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CHAPITRE X
LE MOUVEMENT DES PROJECTILES

I
Averroès et le mouvement des projectiles

De toutes les doctrines qui constituent la Physique d’Aristote, s’il en est une qui fût vraiment insoutenable, c’est bien celle qui attribue à l’air ébranlé la persistance du mouvement des projectiles. 11 n’en est pas, cependant, qui semble avoir trouvé une faveur plus unanime. Durant toute l’Antiquité, dans le concert d’acquiescements qui salue cette hypothèse, nulle voix discordante ne se fait entendre, si ce n’est celle de Jean Philopon ; et les critiques du Grammairien n’obtiennent même pas l’honneur d’une allusion de la part d’un commentateur comme Simplicius, qui n’a pu les ignorer.

Le Moyen-Âge chrétien ne paraît pas avoir connu les écrits que Philopon avait composés sur la Physique d’Aristote. Il a donc cru que les Anciens avaient, sans aucune exception, regardé l’air ébranlé comme le moteur du projectile. Et pour accroître encore l’imposant cortège des autorités qui patronnaient cette étrange supposition, voici qu’Averroès s’en fait le défenseur convaincu.

Pour démontrer l’impossibilité du vide, Aristote a indiqué, sans choisir entre elles, deux explications du mouvement des projectiles ; l’une qu’il rejettera plus tard, invoque un mouvement tourbillonnaire, une ἀντιπερίστασις de l’air ; l’autre, à laquelle il finira par accorder la préférence, considère un ébranlement qui se propage en avant du projectile et plus vite que lui.

En commentant ce passage, Averroès, lui aussi, rapporte[1]

  1. Averrois Cordubensis In libros physicorum Aristotelis commentaria magna. Lib. IV, summa II : De vacuo ; cap. III, comm. 68.