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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

d’en donner ; mais, parmi ces explications, le Médecin padouan a glissé la remarque suivante[1] :

« Lorsque, pour la susdite cause, l’air sort de la clepsydre, au même instant, l’eau y pénètre, afin qu’il n’intervienne pas de vide ; la nature universelle, en effet, a horreur du vide plus que de toute autre chose ; si bien qu’on prête ce propos à Avicenne : [Plutôt que de laisser se produire un espace vide] ; le ciel aimerait mieux descendre pour remplir le lieu — Cum autem propter de prædictam causant aër egreditur ex clepsedra, in eodem instanti aqua subingreditur, ne vacuum intercidat, quod natura præ aliis abhorret universalis ; ila quod Avicennæ adscribatur quod cælum mollet descendere in repletionem loci. »

Pierre d’Abano nous montre, en ce passage, qu’il avait ouï parler de la théorie qui attribue à la nature universelle les mouvements propres à empêcher la formation de tout espace vide ; mais il nous est aisé de deviner que cette théorie ne le séduisait guère. C’est ainsi qu’il n’invoque aucunement cette horreur de la nature universelle pour le vide, lorsqu’il s’agit d’expliquer comment l’eau demeure dans la clepsydre, sans s’écouler par les petits trous, tant que l’orifice supérieur demeure bouché ; il se contente des raisons données par l’auteur des Problèmes.

Le peu de goût qu’avait notre médecin pour les explications, où l’on fait intervenir l’horreur du vide se montre encore dans une autre circonstance. Dans le plus célèbre de ses écrits, Le conciliateur des différences entre les philosophes et, particulièrement, entre les médecins, achevé également en 1310, il examine[2] si l’air est pesant lorsqu’il se trouve dans son propre lieu. Il croit, comme Aristote, que l’air est pesant ; il écrit à ce sujet :

« Lorsque la terre ou l’eau quittent un lieu, l’air tend naturellement à occuper ce lieu, par l’inclination de son poids, et non par la nécessité d’éviter le vide (et non necessitate vacui) comme on le dira peut-être…

1. Problemata. Aristotelis cum duplici translations antiqua indelicet et noua scilîcet Theodori gaze : cum expositione Pétri Aponi. Tabula secundum magistrum Petrum de tussignano per alphabetum. Problemata Alexandri aphrodisei. Problemata Plijtarchi. Cum gratta. Colophon : Expliciunt problemata Plutarchi, perquam emendatissime impressa Venetiis per Bonetum Locatellum presbyterum. Anno salutis 1501. Tertio Kalendas sextiles. Pxpositio preclarissimi atque> eximii artium ac medicine doctoris Pétri de Ebano Patavini zn librum problematum Aristotelis. Particula XVI, problema, VI, fol. 103, col. a.

2. Conciliator differentiarum philosophorum et præcipue medicorum clarissimi viri Petri de Abano Patavini. Differentia XIV, adjunctum.

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