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L’HORREUR DU VIDE

pas moins au très noble corps du ciel qu’à quelque autre corps inférieur. »

Cette conséquence de sa théorie, notre auteur l’admet pleinement :

« Si tout l’élément qui se trouve au-dessous de la dernière surface concave du ciel venait à descendre,’le ciel le suivrait naturellement, de telle façon qu’il serait impossible de séparer le feu d’avec le ciel ; en effet, si le ciel ne suivait pas le mouvement du feu, le vide se produirait entre eux ; et il répugne à la nature que le vide soit, plus que ne lui répugne la présence d’une partie du ciel au lieu de la terre. En ce lieu, toutefois, le ciel continuerait à se mouvoir circulairement, car le mouvement circulaire appartient au ciel en tant qu’il est d’une certaine nature spécifique. » Au contraire, comme nous l’avons vu, s’il est capable, pour éviter la production du vide, de se mouvoir de mouvement rectiligne, ce n’est pas en tant qu’il est formé de substance céleste mais, d’une manière plus générale, en tant qu’il est corps.

Déjà Gilles de Rome avait établi une comparaison entre les mouvements qui ont pour objet la fuite du vide et les mouvements du fer vers l’aimant ; vraisemblablement, la pensée du célèbre Augustin a inspiré Jean de Dumbleton ; elle lui a suggéré l’hypothèse de cette attraction mutuelle par laquelle les corps se retiennent les uns les autres afin de demeurer contigus.

Mais si l’influence de Gilles de Rome se peut soupçonner dans ce que nous avons cité de Dumbleton, il est une autre influence qui y a laissé une trace bien plus profonde ; cette influence est celle de Roger Bacon ; certainement, l’auteur de la Summa a lu l’Opus tertium.

Si Jean de Dumbleton rappelle, à l’Université d’Oxford, ce que Bacon a enseigné touchant la fuite du vide, il est, à l’Université de Padoue, un professeur qui donne, à ce même enseignement, d’amples développements ; ce professeur, c’est le dominicain Graziadei d’Ascoli.

De bonne heure, à l’Université de Padoue, on avait entendu parler, mais bien sommairement, de l’action par laquelle la nature universelle empêche la formation de tout espace vide.

En 1310, le célèbre Pierre d’Abano terminait à Padoue le commentaire, qu’il y avait commencé, des Problèmes d’Aristote. Dans ce commentaire, l’expérience de la clepsydre est rapportée avec les explications que l’auteur des Problèmes s’est efforcé