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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

» Un de ces mouvements lui advient parce qu’il est de telle espèce ; ainsi au feu, en tant qu’il est feu, il advient d’être mû par sa forme vers la concavité de l’orbe lunaire.

» Le second mouvement lui appartient en tant qu’il est un corps naturel ; et, sous ce rapport, tous les corps se comportent de même.

» Pour comprendre la seconde proposition, il faut supposer ce principe tiré de l’expérience : Tout corps, lors même qu’il serait en son lieu naturel, désire être conjoint à un autre corps. Et cela se prouve de la manière suivante : Il répugne que le vide soit, tandis qu’il ne répugne pas qu’un corps se trouve hors de son lieu propre. Il est donc plus naturel qu’un corps se meuve pour demeurer au contact immédiat d’un autre corps plutôt que pour gagner son lieu propre ; la nature d’un corps est d’être conjoint à un autre corps avant que d’être en son lieu propre. Ce mouvement, par lequel un corps demeure au contact immédiat d’un autre corps, n’advient pas à un élément en tant qu’il est élément, mais en tant qu’il est simplement corps naturel. De cette manière, tout corps naturel est mobile vers tout lieu, que ce lieu soit en haut ou en bas ; tout élément est indifféremment mobile vers tout lieu afin de demeurer conjoint à un corps naturel. De même que l’aimant induit dans le fer une forme grâce à laquelle le fer suit le mouvement de l’aimant, de même le corps qui en suit un autre corps par ce mouvement, s’arrête lorsque cet autre corps demeure en repos, comme on le voit lorsque l’eau monte dans une pipette (in fistulam).

» Mais le but de ce mouvement n’est point naturel à un corps, si ce n’est en vue de le maintenir immédiatement contigu à un autre corps. »

C’est donc par une attraction comparable à l’attraction magnétique que tout corps qui délaisse un lieu entraîne, à sa suite, le corps qui lui est contigu, dût-il, pour cela, contrarier les tendances naturelles de ce dernier corps ; s’il en est ainsi, c’est afin qu’il n’y ait jamais, dans la nature, aucun espace vide.

Cette loi ne s’impose pas seulement aux éléments ; elle régit même la substance céleste. Dumbleton prévoit, en effet, qu’on lui adressera l’objection que voici :

« Il résulte de cette supposition qu’afm de rester conjoint à un corps, le ciel est susceptible de mouvement rectiligne ; si, par exemple, le feu descendait, le ciel le suivrait, afin qu’il n’y eût pas de vide entre eux ; en effet, l’existence du vide ne répugne