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L’HORREUR DU VIDE

effet de la nature universelle, nous n’en douterons guère lorsque nous aurons lu le début de sa comparaison entre le macrocosme et le microcosme.

« Le macrocosme, dit Henri de Hesse[1], est réglé par deux natures, la nature commune et la nature particulière.

» En vertu de sa nature particulière, chaque partie du microcosme aime non seulement à demeurer dans sa disposition habituelle, mais encore à y demeurer d’une manière parfaite. Aussitôt donc qu’elle est libre ou débarrassée de tout empêchement, elle est apte à reprendre la disposition qualitative qui lui est due et qui lui assure la perfection… Aussi voyons-nous que toutes les parties du Monde, en vertu de leur inclination propre et particulière, possèdent des forces propres à les ramener à la figure qui leur est due, qui convient à toutes en vue de l’ordre que présente chacune d’elles à l’égard des autres parties et à l’égard de l’Univers entier.

» Quant à la nature commune, nous en observons, au sein du macrocosme, plusieurs effets que la nature particulière des différentes parties et espèces de l’Univers ne suffirait pas à sauver ; c’est ce qu’on montre dans un certain Traité de la nature commune. — Ut ostensum est in tractatu quodam de natura communi. »

Ainsi, à la fin du xive siècle, la doctrine de la nature universelle était classique dans les écoles de Paris au point qu’on y lisait un traité spécialement consacré à l’exposition de cette théorie.

Sans doute, pendant tout le xive siècle, elle n’était pas moins répandue à l’Université d’Oxford, où l’influence de Roger Bscon paraît s’être exercée plus puissamment encore qu’à Paris. De cette vogue, Jean de Dumbleton va nous apporter le témoignage.

Au chapitre de sa Summa où il traite de l’impossibilité du vide dans la nature, Jean de Dumbleton écrit ce qui suit[2] :

« Un corps naturel peut avoir des mouvements de deux sortes.

  1. Henrici de Hassia Op. laud., cap. IX. Bibliothèque Nationale, fonds latin, ms. no 2831, fol. 106, vo ; ms. no 14580, fol. 207, col. a.
  2. Johannis de Dumbleton Summa, pars sexta, cap. III ; Bibliothèque Nationale, fonds latin, ms. no 16621, fol. 60, col. c. et d, et fol. 61, col. a. À l’aide de cet exemplaire, nous avons donné une description de cette Somme dans : Études sur Léonard de Vinci et les précurseurs parisiens de Galilée, 3e série, pp. 411-412 et pp. 460-464.