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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

même corps simple ait plusieurs mouvements naturels, mais que cela est bien possible au second sens.

» L’eau monte, afin que le vide ne se produise pas, quand l’air, devant elle, est tirée vers le haut par violence ; mais cela n’est pas particulier à l’eau ; il en adviendrait autant à tout autre corps qui serait placé de la même façon par rapport à l’air violemment mû de la sorte.

» Cette même solution, d’autres la formulent en des termes différents. Le mouvement naturel, disent-ils, qui convient à un corps simple unique en vertu de sa nature propre, est d’une seule espèce ; néanmoins un corps simple spécifiquement unique peut fort bien avoir plusieurs mouvements [naturels] spécifiquement distincts ; de ces mouvements, l’un lui serait naturel en vertu de sa nature propre, tandis que l’autre lui serait naturel en vertu d’une nature ou inclination qu’il posséderait en commun avec les autres corps. »

Nous retrouvons ici la distinction, chère à Roger Bacon, entre la nature particulière que l’eau possède en tant qu’elle est tel élément déterminé et la nature universelle qu’elle possède par cela seul qu’elle est corps. Albert de Saxe n’ignore pas cette distinction ; mais il n’en fait pas l’objet d’une théorie autonome et complète ; c’est au cours d’une discussion qu’il y fait, en passant, une brève allusion ; peut-être en faut-il conclure qu’on n’y attachait plus, à Paris, grande importance ; plus probablement devons-nous croire que le recours à la nature universelle était une de ces doctrines sur lesquelles personne n’insiste plus parce que personne ne les conteste plus.

Nous pourrions être confirmé dans cette pensée par la lecture du traité d’Henri de Hesse Sur la réduction des effets spéciaux aux forces communes et aux causes naturelles.

Dans ce traité, Henri de Hesse explique[1] que l’âme d’un être vivant doit demeurer dans la matière qu’elle informe tant que l’organisation de cette matière permet l’accomplissement de quelque fonction vitale. « La séparation de la forme et de la matière à une cause qui consiste tout entière en ceci : Il ne faut pas que, dans la nature, rien demeure oisif. De cela, en effet, la nature a horreur comme du vide. Hoc enim sic natura abhorret sicut vacuum. »

Que cette horreur du vide soit, au gré de notre auteur, un

1. Tractatus de reductione effectuum specialium in virtutes communes et causas generales a Magistro Henrico de Hassia Parisius factus, cap. VII. Bibliothèque Nationale, fonds latin, ms. no 2831, fol. 105, vo ; ms. no 14580, fol. 206, col. b.

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