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L’HORREUR DU VIDE

la partie supérieure et un grand nombre de trous dans la partie inférieure. Le vase, une fois rempli, si l’on ouvre les trous inférieurs, tout en maintenant bouché l’orifice supérieur, l’eau ne s’écoule pas ; l’air, en effet, voulant entrer par ces trous, ne permet pas à l’eau de sortir. C’est par là qu’on démontrait que l’air est quelque chose ; en effet, si l’eau sortait de ce vase artificieusement combiné, et si l’air n’y entrait pas, il y resterait le vide..L’air donc, en voulant entrer par les trous d’où l’eau s’échapperait, empêche la sortie de l’eau. Partant, disaient-ils, l’air est quelque chose. »

Dans l’insistance avec laquelle Gilles de Rome, en l’air qui veut entrer, met la cause qui empêche l’eau de sortir, peut-être reconnaîtra-t-on un souvenir de ce que Bacon disait de la clepsydre, dans la première série de ses Questions de Physique. Mais l’influence de Bacon se marque avec une tout autre netteté dans ce que Gilles dit de la traction exercée par le vide (tractus a vacuo).

« On se demanderait peut-être, écrit-il s’il y a une traction exercée par le vide… Il faut répondre que la traction par le vide se peut entendre de deux manières. En premier lieu, le mot vide peut désigner d’une manière positive une certaine nature, par laquelle serait exercée une attraction proprement dite ; imaginer de la sorte la traction du vide, c’est purement fantastique… On peut entendre d’une autre manière la traction du vide, et désigner par là une traction exercée afin qu’il n’y ait pas de vide ; de cette manière, il s’exerce, en effet, une traction du vide, car la nature ne souffre pas le vide. De cette façon, dans une foule de circonstances, il se produit une traction afin qu’il n’y ait pas de vide.

» C’est manifeste pour la ventouse. Si l’on y met de l’étoupe enflammée, ce feu raréfie l’air contenu dans la ventouse ; qu’on pose alors la ventouse sur la chair ; comme le feu s’éteint, cet air se refroidit et occupe moins de place ; alors, pour que le vide ne se produise pas, il se fait une attraction de la chair.

» Toutefois, dans la ventouse où l’on met de l’étoupe allumée, il y a peut être concours de deux attractions, celle de la chaleur et celle du vide. Maintes fois, cependant, la traction provient du vide seul ; cela se voit dans ces tuyaux recourbés (fistulæ

1. Ægidii Romani In libros de physico auditu Aristotelis commentaria, lib. IV, lect. XII, dubitatio 5a ; éd. Venetiis, 1502, fol. 79, col. b et c.