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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

» Cette nature universelle, c’est une force qui réside dans la substance céleste, c’est-à-dire dans cette intelligence créée qui, au-dessous du Créateur béni, gouverne et modère toute la nature corporelle et inférieure…

» Avec cette nature universelle, conspirent toutes les choses qui gisent au-dessous d’elle, qui plongent en elle leur racine, qui, par elle, ont reçu en partage la propriété d’agir ; ces choses conspirent avec la nature universelle au point de suspendre, parfois, les natures qui accompagnent, en elles, la nature universelle, les propriétés qui leurs sont particulières, et d’empêcher les actions et les effets qui leur sont propres.

» Cette particularité qui distingue la nature particulière de la nature universelle n’est pas une particularité individuelle, si ce n’est, peut-être, par accident ; c’est une pure propriété opérative qui accompagne toutes les choses d’une même espèce… Toute espèce, en effet, peut être appelée particulière à l’égard du genre auquel elle appartient…, bien qu’elle soit véritablement universelle à l’égard de ses individus.

» La nature particulière, donc, est une force, une propriété opérative qui accompagne J’espèce, bien que l’effet qu’elle produit ne se rencontre pas toujours en tout individu de cette espèce. Par exemple, de ce que l’homme est raisonnable, il n’en résulte pas que tout homme, nécessairement et d’une manière habituelle, use de la raison, mais plutôt qu’il est naturellement apte à en user. De même, le feu, par sa nature particulière, est chaud et tend à être placé aussi haut que possible ; il se peut, cependant, que le feu soit, parfois, privé de chaleur, et qu’il se trouve en un lieu bas. »

« La nature universelle, poursuit notre auteur[1], a une première action qui lui est propre et qui tend à un but bien déterminé ; mais elle a aussi une autre action qui se trouve répandue en toute opération de la nature particulière ; celle-ci ne meut aucunement, en effet, qu’elle ne soit mue, tout d’abord, par la nature universelle.

» Ainsi, d’une manière universelle, causale, première, mouvoir et opérer sont choses qui appartiennent à la force et à la nature universelle ; mais il leur appartient également de produire des effets contraires à ceux de la nature particulière, et cela de multiple façon.

» C’est le propre de la terre d’occuper le lieu le plus, bas ; il

  1. Lincolniensis Summa, cap. CCXLV ; éd. Baur, p. 591.