Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/144

Cette page n’a pas encore été corrigée
141
L’HORREUR DU VIDE

il est nécessaire d’admettre que l’eau demeure en repos ; il vaut mieux admettre cela que de supposer le vide. Afin donc que le vide ne se fasse pas, afin de sauver la disposition du vase et l’ordre de la nature universelle, l’eau demeure en repos ; et ce n’est pas seulement afin que le vide ne se fasse pas ; ce n’est donc pas une pure négation.

» À l’autre argument, je réponds : Bien que le vase soit un corps continu en toutes ses parties, il est contraire à sa nature particulière que ses parois se rejoignent. Partant, il ne faut pas que l’eau tombe ; alors, en effet, la figure naturelle du vase serait détruite ou bien le vide se produirait, et cela serait contraire à la nature universelle ; il faut donc que l’eau demeure en repos.

» Que l’eau ne descende pas, c’est un accident contraire à la nature. Ce repos vaut donc mieux que la destruction de la nature ou d’une disposition naturelle ; cela vaut mieux que d’admettre le vide ou la réunion des parois, car ces deux choses sont, par essence, contraire à la nature ; ce serait absolument contraire à la disposition essentielle du vase ; il peut y avoir deux sortes de réunions des parois, une réunion naturelle et une réunion contre nature ; or cette dernière réunion de deux parois est essentiellement contre nature. Il vaut donc mieux que l’eau demeure en repos, ce qui n’est qu’un accident contraire à la nature, que s’il se produisait une chose contre nature qui fût essentielle. »

Nous avons reproduit en entier la discussion de cette cinquième expérience ; non seulement, en effet, le principe de Physique que Bacon entend établir y est très clairement exposé, mais, en outre, nous y trouvons un exemple très caractéristique de la méthode que notre auteur a coutume de suivre. Nous pourrons maintenant parler d’une manière un peu plus sommaire des quatre premières expériences.

La première de ces expériences est celle-ci : Que deux disques plans soient exactement appliqués l’un sur l’autre et que l’on soulève brusquement le disque supérieur ; l’air ne pourra pénétrer instantanément au centre de l’espace compris entre les deux disques ; le vide s’y produira donc pendant un moment.

Faisons grâce au lecteur des multiples chicanes auxquelles cette proposition donne lieu. Retenons-en cependant cette phrase[1] : « Comme si la paume de ma main touchait la Seine,

  1. Ms. cit., fol. 47, col. d.