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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

qui est là, étant hors de son lieu naturel, tend naturellement en bas. »

On avait bien fort accoutumé de présenter l’expérience de Philon de Byzance pour commenter la phrase où Aristote fait mention des clepsydres, car Bacon en vient à s’imaginer que l’expérience et le raisonnement de Philon sont dans le texte d’Aristote.

Après avoir ainsi mis sur le compte de l’expérience le contraire de ce qu’elle nous enseigne en réalité, Bacon nous présente des arguments contre ce que nous manifestera tout à l’heure le témoignage des sens :

« Ce que vous objectez, que l’eau ne descendrait pas afin qu’il ne se fît pas de vide, est sans valeur. C’est une pétition de principe ; il faudrait le prouver.

» En outre, une négation ne peut être la cause d’une affirmation ; or cette proposition : l’eau demeurerait en repos, est une proposition affirmative ; la cause n’en peut être cette proposition négative : afin que le vide ne se fît point.

» De même encore, la descente de l’eau est naturelle. Le concours des parois du vase est contre nature. Le repos de l’eau hors de son lieu propre est contre nature. Il vaut donc mieux admettre la descente de l’eau, puisqu’elle est naturelle, que le concours des parois ou le repos de l’eau, puisque ces deux choses sont contre nature. »

À la supposition erronée que l’eau descendrait, une nouvelle supposition erronée est venue s’ajouter d’une manière implicite : Pour empêcher la production du vide, les parois du vase pourraient se rejoindre. Au moment où Bacon nous annonce la solution du débat, il va tout d’abord parler comme s’il penchait en faveur de cette supposition erronée. C’est seulement après avoir fait ce nouveau détour qu’il nous proposera enfin l’opinion qu’il regarde comme correcte.

« Solution. Je dis qu’en vertu de l’ordre de la nature universelle, les parois se rejoindraient, afin que le vide ne se fît point (ex ordinatione naturæ uniuersalis… ne fieret vacuum). Je dis que ce n’est pas, pour cela, une pétition de principe ; car, dans les démonstrations nécessaires, il faut postuler le principe ; cela n’est pas absurde (incorweniens) car c’est toujours ainsi qu’Aristote argumente contre Platon.

» À l’autre argument, je réponds qu’il n’y a pas seulement là une négation, mais qu’une chose affirmative y est jointe, savoir la distance des parois et le salut de la nature. Dès lors,