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L’HORREUR DU VIDE

annoncé par la Physique d’Aristote, ne se produit pas et où, par ce repos imprévu, la formation du vide est empêchée. Voici, à peu près, comment procède Bacon :

Il annonce l’expérience comme un moyen de faire le vide ; il la décrit comme si le mouvement naturel, annoncé par la Physique péripatéticienne, se produisait en réalité, entraînant la formation d’un espace vide.

Puis, il énumère les diverses autres manières dont on pourrait imaginer que les choses se passassent et il argumente pour ou contre ces diverses manières, toujours sans jeter le moindre regard sur la réalité.

Alors seulement il présente, à titre de solution du débat, l’expérience telle qu’elle se manifeste aux sens, et il l’explique par Faction que la nature universelle exerce afin qu’il n’y ait pas de vide.

C’est donc au travers de ces démarches compliquées qu’il nous faut suivre la pensée de Bacon.

L’étrangeté de ces démarches se manifeste de prime abord. Notre auteur, adversaire déterminé du vide, annonce son étude expérimentale en ces termes[1], peu propres, assurément, à nous en faire deviner la conclusion : « Après avoir démontré par des raisonnements qu’il faut admettre le vide, on montre également, par des exemples et des expériences, qu’il faut admettre le vide. »

Bacon présente successivement cinq expériences ; allons d’abord à la cinquième ; c’est celle qui a été décrite et étudiée dans la première série des questions sur la Physique. « La cinquième expérience[2] est celle qu’Aristote indique dans le texte. Que l’on prenne un vase plein d’eau qui a plusieurs trous dans le bas et, dans le haut, un orifice bouché. Tout ce qui est hors de son lieu propre tend à ce lieu, pourvu qu’il n’en soit pas empêché et qu’il soit hors de ce lieu. L’eau qui est là tend donc en bas. Dès lors, il se produirait un vide en haut, près de l’orifice bouché, et l’eau ne demeurerait pas en repos, comme il paraît, afin d’empêcher que le vide ne se fasse. Car Aristote dit cela, que l’eau demeurerait en repos, afin que le vide ne se fît pas ; et il ne paraît pas que cela soit vrai, car l’eau

1. Questiones supra librum phisicorum. a magistro dicto bacuum. Ostenso per rationes quod sit ponere vacuum, item per exempla et expérimenta ostenditur quod sit ponere vacuum. Ms. cit., fol. 47, col. d.

2. Ms. cit., fol. 48, col. c et d.

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