Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/141

Cette page n’a pas encore été corrigée
138
LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

tion[1] : « Le vide est-il une cause », il répond : « Le vide n’est rien, il n’est pas une nature ; or ce qui est cause est une certaine nature ; le vide n’est donc pas une cause. »

cette objection : « La ventouse vide attire le sang et, si elle n’était pas vide, elle ne l’attirerait pas », il répond en distinguant diverses sortes d’attractions. La première qu’il mentionne est celle par laquelle l’aimant attire le fer. La dernière « est une attraction qui se fait par le vide, grâce à l’excitation et à la disposition produites par la chaleur. C’est de cette manière que la ventouse attire le sang ; voilà pourquoi on met dans la ventouse des étoupes ardentes qui y engendrent de la chaleur ; cette chaleur échauffe l’air et attire le liquide pour se conserver ; car le liquide est l’aliment de la chaleur.

» Il est donc évident qu’une attraction ne se produit jamais par le vide seul et en tant que tel, mais par quelque autre cause. Si l’eau est attirée et retenue dans la clepsydre, tandis que le doigt est posé sur l’orifice, cela ne se fait pas par le vide, mais par la nature même et l’ordre des corps, c’est-à-dire de l’eau et de l’air, afin que le vide ne survienne pas, car si ce vide se produisait, il serait, pour eux, cause de désordre et de destruction. »

Dans ce phénomène, donc, le vide n’est pas cause efficiente ; les causes efficientes, ce sont les corps en présence, l’air et l’eau. Il n’est pas davantage cause finale ; la cause finale, c’est l’ordre et la conservation des corps naturels ; c’est à cet ordre que tend la nature ; et les corps se meuvent ou demeurent immobiles de telle manière que cet ordre soit sauvegardé, dussent-ils, pour cela, aller à l’encontre des lois qui règlent leurs mouvements et repos naturels.

Telle est la doctrine que Bacon formule avec une entière netteté dès la première série de ses questions sur la Physique.

Cette doctrine, nous allons la retrouver dans la seconde série des questions sur la Physique ; nous l’y retrouverons plus développée, mais aussi plus confuse.

Dans ces nouvelles questions, en effet, Bacon expose l’étude expérimentale du vide suivant un ordre qui est conforme à la méthode du sic et non et aux procédés de discussion chicanière de la Scolastique, mais qui déroute singulièrement nos habitudes

Il s’agit de présenter une expérience où le mouvement naturel,

1. Rogeri Bacon Op. laud., lb. IV : Queritur septimo utrum vacuum sit causa aliqua ; ms. cit., fol. 23, col. c.

  1. 1