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L’HORREUR DU VIDE

pendant que le doigt est appliqué [à l’orifice supérieur] il y a trois causes.

» La première est la petitesse ou l’étroitesse des trous inférieurs ; si ces trous étaient plus grands, l’eau tomberait au travers.

» La seconde cause est l’air qui entre ou pénètre par ces petits trous ; à cause de sa fluidité, il soutient, porte et retient l’eau (secunda causa est aer ingrediens vel subintrans hujusmodi foramina parva qui, propter sui humidum, hujusmodi aquam defert, portai et retinet).

» Ce sont là les-causes efficientes. La troisième est une cause finale ; c’est l’ordre des corps de l’Univers et la convenance de la machine du Monde (ordinatio corporum universi et mundi machine convenientia) savoir : Qu’il n’y ait pas de vide, qui est, pour les choses, une cause de désordre et de destruction, comme nous le verrons plus bas.

» Il est évident par là que ces trois causes se réunissent en une cause unique, qu’elles ne font qu’une seule cause, savoir : Qu’il n’y ait pas de vide (ne sit vacuum)

» Tout grave tend vers le bas et se meut vers le bas s’il n’est empêché et retenu ; à ce mouvement vers le bas, il est, cependant des conditions accessoires. La nature, en effet, désire toujours le meilleur ; or qu’un grave demeure immobile en haut, supporté et retenu par l’air, il y a, à cela, moins d’inconvénient qu’à l’existence du vide qui détruirait tout l’ordre de la nature…

» De l’air et des autres corps, il y a lieu de parler de deux manières différentes. D’une première manière, en tant qu’ils sont en leurs lieux naturels ; en ce cas, l’air ne porte pas l’eau. D’une seconde manière, en tant qu’ils se trouvent en des lieux étrangers à leur nature ; en ce cas l’air peut soutenir de l’eau qui se trouve en un lieu étranger à sa nature, et cela afm qu’un plus grand inconvénient soit évité. »

Il sera de mode, à partir du xviie siècle, de plaisanter cette cause finale invoquée par Bacon à côté des causes efficientes ; mais Bacon se conformait ici aux principes essentiels du Péripatétisme qui, dans la cause finale, voit toujours la véritable cause.

Il prend, d’ailleurs, ses précautions pour qu’on n’aille pas l’accuser de faire du vide une cause efficiente, d’attribuer au vide un pouvoir d’attirer l’eau dans la clepsydre. A cette ques¬