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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

sont appuyés de démonstrations et ont été mis en pratique ; or, si le vide pouvait exister, pas un seul de ces procédés ne pourrait s’effectuer, et bien des opérations hydrauliques ne pourraient avoir lieu. Cependant, on a passé la vie à argumenter pour confirmer ces propositions et d’autres semblables. »

Ces Beni-Schâkir, dont Maimonide nous paile ici, ce sont les trois fils de Mousa-ben-Schâkir, nommés Mohammed, Ahmed et Al-Hasan ; ils florissaient au ixe siècle, et avaient acquis une grande réputation de mathématiciens et de mécaniciens ; le traité de Mathématiques qu’ils avaient composé en collaboration est demeuré célèbre sous le titre de Livre des Trois Frères[1].

Le Livre des Artifices, où les Trois Frères, prenant l’impossibilité du vide comme axiome, en déduisaient l’explication d’une foule d’appareils hydrauliques plus ou moins ingénieux, avait, sans doute, le même’degré d’originalité que la plupart des traités scientifiques des Arabes ; il n’était qu’une compilation ou une adaptation des reliques de la science grecque.

Les traités de Philon de Byzance et de Héron d’Alexandrie ont été, de bonne heure, traduits en arabe ; ils ont fourni la matière de compilations telles que celle des Trois Frères ; ils ont fourni aussi des arguments aux philosophes péripatéticiens. Ceux-ci ont rejeté les considérations, par lesquelles Philon et Héron croyaient établir l’existence de pores très déliés, d’interstices vides entre les molécules qui composent les corps ; mais ils ont conservé les expériences par lesquelles ces auteurs montraient l’impossibilité de réaliser un espace vide de dimensions notables ; ces expériences, ils les ont données comme la confirmation de la doctrine du Stagirite.

Averroès n’a pas pu ignorer les divers ouvrages où les auteurs arabes s’efïorçaient de démontrer par l’expérience l’impossibilité du vide ; mais il n’en a que très peu subi l’influence. Il a surtout lu les commentateurs grecs d’Aristote, et nous avons dit comment ces commentateurs faisaient complète abstraction de ce genre de démonstrations. Toutefois, malgré le désir qu’il avait, sans doute, d’imiter leur abstention, Averroès n’a pu

1. Le texte arabe du traité de Mécanique des Fils de Mousa est conservé en manuscrit à la Bibliothèque du Vatican. [Le livre des appareils pneumatiques et des machines hydrauliques par Philon de Byzance. Édité et traduit en français par le Baron Carra de Vaux. Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque Nationale et d’autres bibliothèques, t. XXXVIII, première partie, p. 40. MDCCCCII}.

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