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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

rieur bouché, qu’on couche la clepsydre dans l’eau ; l’eau, alors, y pénétrera sans peine ; tandis, en effet, qu’elle entrera par quelques-uns des petits trous, l’air s’échappera par les autres.

Mais il est une autre expérience qui est la raison même de l’emploi de la clepsydre. Le nom même de clepsydre (xÀEtpûSpa, de xXottco, je vole, uScop, Peau) montre assez quel en était l’usage. Le vase, une fois rempli d’eau, on bouchait avec le doigt l’orifice supérieur ; on pouvait, alors, le sortir de l’eau, le transporter où l’on voulait, sans qu’il laissât échapper le liquide qu’il contenait. Cette observation est celle qu’on citera pour démontrer que la nature empêche la formation de tout espace vide. L’auteur des Problèmes remarque que d’une telle expérience, l’explication n’est pas suffisamment donnée, si l’on se contente, avec Anaxagore, de dire que l’air en est la cause. L’air, sans doute, en est la cause, mais il convient d’indiquer de quelle manière il exerce son action. Voici donc comment il rend compte de cette observation :

« La cause en vertu de laquelle l’eau ne peut s’écouler quand l’orifice supérieur est bouché est la suivante : » En pénétrant dans la clepsydre, l’eau en chasse violemment tout l’air qui s’y trouvait contenu ; de cela, nous trouvons la preuve dans le souffle [qui s’échappe de l’orifice] et dans les glous-glous murmurants, dont nous constatons la production dans la clepsydre pendant l’entrée de l’eau. Puis donc que l’eau, en entrant, pousse violemment l’air, elle s’enfonce dans le tuyau de la clepsydre et là, comprimée et serrée, elle adhère sans qu’aucun lien la retienne, à la façon d’une cheville de bois ou d’un clou de cuivre, jusqu’au moment où une force étrangère l’en chasse comme nous chassons un clou. » C’est précisément ce qui arrive au moment où l’on débouche l’orifice supérieur. A ce moment, l’eau, que son poids sollicite déjà vers le bas, est, en outre pressée par l’air qui entre vivement dans le vase. Il est vrai que l’air extérieur résiste et tend à empêcher l’eau de s’échapper par les petits trous ; mais cette résistance est inférieure à la puissance de l’air, qui pénètre violemment par un orifice étroit et que seconde la gravité de l’eau.

Cette explication, on le voit, n’a point invoqué l’impossibilité du vide ; le nom même du vide n’a pas été prononcé.