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CHAPITRE IX
L’HORREUR DU VIDE

I
L’impossibilité du vide et l’expérience.
Les Arabes

Pour retrouver l’origine de la théorie de l’horreur du vide, il nous faut remonter, en même temps, jusqu’à l’origine de la science expérimentale ; l’une des expériences essentiellement invoquées par cette théorie est extrêmement ancienne, puisqu’un des Problèmes attribués à Aristote[1] la donne comme étant d’Anaxogore ; mais Anaxagore, si nous en croyons ce même problème ne se proposait nullement de montrer que la nature ne souffre aucun espace vide ; il voulait seulement prouver que l’air est un corps.

À cet effet, il prenait une clepsydre. Ce que les Problèmes d’Aristote disent de ce vase suppose qu’il était de forme allongée ; qu’à sa partie supérieure, il portait un orifice susceptible d’être bouché, sans doute avec le doigt ; qu’à sa partie inférieure, il était percé de plusieurs petits trous. Si, après avoir bouché l’orifice supérieur, on plonge dans l’eau la partie inférieure du vase, l’eau n’entre pas dans ce vase ; elle n’y peut pénétrer par les petits trous qu’autant que l’orifice supérieur est ouvert. Telle est, d’après les Problèmes, l’expérience qu’Anaxagore expliquait justement par la présence de l’air dans la clepsydre ; tant que l’air ne peut s’échapper par l’orifice supérieur, il empêche l’eau d’entrer ; Anaxagore en concluait que l’air est un corps..

Les Problèmes indiquent diverses expériences qui se peuvent joindre à celle d’Anaxagore. Tout en maintenant l’orifice supé-

  1. Aristote, Problèmes, XVI, 8 (Aristotelis Opera, éd. Didot).