Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/122

Cette page n’a pas encore été corrigée
119
LE VIDE ET LE MOUVEMENT DANS LE VIDE

» Quant aux autres circonstances, telles que la résistance et les diverses conditions que nos conclusions énumèrent, c’est par accident qu’elles se trouvent requises.

» Voici comment on prouve cette conclusion :

» Ce qui constitue la raison formelle et complète d’un objet se caractérise ainsi : Dès là qu’on le pose, on pose aussi cet objet ; si on ne le pose pas, on a beau poser ou ne pas poser quelque autre chose que ce soit, on ne pose pas cet objet.

» Or, dès là qu’on pose une limitation de la puissance du mobile, limitation provenant d’un acte mélangé de puissance et relative à un espace réel ou imaginaire, on pose la possibilité du mouvement, l’aptitude à être mû ; au contraire, dès là qu’on ne pose pas tout cela, on ne pose pas la possibilité du mouvement. »

Contre une telle conclusion qui affirme la possibilité du mouvement, alors même que le mobile ne serait soumis à aucune force résistante, alors même qu’aucun corps réel ne lui servirait de lieu, les Péripatéticiens vont s’insurger ; ils vont reprendre les divers arguments par lesquels Aristote avait prétendu démontrer qu’aucun mouvement ne se pourrait accomplir dans le vide.

Ces arguments, Pierre de Candie les combat pied à pied ; sa discussion est, souvent, compliquée et obscure ; mais il la conclut en. ces termes[1], qui sont fort clairs :

« On voit que toutes les raisons tirées des propos tenus par Aristote au quatrième livre des Physiques, chapitre du vide,… sont, à parler correctement, des pétitions de principe (correcte petunt principium). Elles supposent, en effet, qu’un mouvement ne saurait s’accomplir s’il n’y a résistance du mobile au moteur, ou du milieu au mobile, ou bien enfin du milieu au moteur. Or cela est faux, puisque Dieu pourrait, de mouvement de translation, mouvoir le ciel, alors que d’aucune façon, le ciel ne résisterait à Dieu, et puisque ce mouvement pourrait alors s’accomplir dans le vide, comme nous l’avons dit ci-dessus. »

C’est, en effet, cet arrêt d’Étienne Tempier qui a balayé tout ce qu’Aristote avait dit du lieu, du temps, du mouvement et du vide. Ce qui, tout d’abord, a eu raison de la Physique péripatéticienne, ce n’est pas une Physique nouvelle et plus correctement tirée dè l’expérience ; c’est la Théologie. Cette vérité n’est-elle pas parfaitement claire à qui remarque que la

1. Pierre de Candie, loc. cit., ms. cit., fol. 176, col. c.

  1. 1