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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

» Supposons, en outre,… que la divisibilité réelle de l’espace soit comprise dans la raison formelle du changement successif considéré d’une façon générale ; comme ce changement est plus général que le mouvement local de rotation, la divisibilité réelle de l’espace ferait partie de la raison formelle de la rotation circulaire ; mais cette conséquence est fausse ; il en est donc de même de l’antécédent.

» Le raisonnement est évidemment concluant ; quant à la fausseté de la conséquence, voici comment elle se prouve :

» Dieu peut détruire toutes les créatures, sauf la Terre et ses diverses parties ; cette Terre, il la peut mouvoir de mouvement de rotation, comme il fait à présent pour le premier mobile ; mais il est certain qu’il n’y aurait, alors, plus d’autre mouvement que le mouvement de la Terre, et ce mouvement ne se produirait, cependant, autour d’aucun lieu réel. Mais, d’autre part, une chose ne se peut concevoir en l’absence de ce qui fait partie de sa raison formelle ; puis donc que l’intelligence comprend la possibilité d’un tel mouvement, notre proposition en résulte. »

Ainsi, une à une, les conditions que le Physique d’Aristote avait imposées au mouvement comme absolument nécessaires sont reléguées par le théologien, au nom de la toute-puissance divine, au rang de circonstances accidentelles.

Ces éliminations successives amènent Pierre de Candie à réduire la notion de mouvement à ses éléments vraiment essentiels ; dire ce qu’elle est alors, c’est l’objet de sa septième conclusion[1] :

« Du changement successif, considéré comme existant d’une manière réelle ou comme simplement possible, la raison formelle résulte de ceci : La limitation intrinsèque de la puissance du mobile, limitation qui provient d’un mélange d’acte et de puissance, et qui est relative à un espace réel ou imaginaire. — Consurgit ex limitatione intrinseca potentiæ mobilis per action admixtum cum potentia respectu spatii ymaginarii vel realis.

» Je veux dire que ces trois éléments composent en entier la notion de mouvement :

» Une limitation intrinsèque de la puissance ;

» Une certaine manière d’être de cette puissance à l’égard d’un espace réel ou imaginaire ;

» Enfin un acte qui n’est pas complet, mais qui demeure mélangé de puissance.

1. Pierre de Candie, loc. cit. ; ms. cit., fol. 175, col. a.

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