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LE VIDE ET LE MOUVEMENT DANS LE VIDE

La Dynamique péripatéticienne voulait que la notion même de mouvement impliquât non seulement une puissance motrice, mais encore une résistance ; que cette résistance soit simplement accidentelle, mais non pas essentielle, cela résulte de la possibilité du mouvement dans le vide ; et ce qui démontre la possibilité du mouvement dans le vide, c’est une des condamnations portées en 1277.

Les condamnations portées par Etienne Tempier avaient plus d’un siècle au moment où Pierre de Candie composait ses questions sur les Sentences. Quoi qu’on en ait dit, elles n’avaient, on le voit, rien perdu de leur autorité ; elles continuaient à presser les maîtres de Paris de rejetter certaines affirmations essentielles de la Physique aristotélicienne, celles-là même qui eussent le plus fermement barré le passage à la science moderne.

La seconde conclusion de Pierre de Candie prêterait à des réflexions semblables ; que l’essence même du mouvement ne requière pas un espace réel et divisible dans lequel se ferait le mouvement, qu’il ne requière aucun lieu réel auquel ce mouvement soit rapporté, ce sont affirmations contre lesquelles proteste toute la Physique d’Aristote ; mais ce sont affirmations dont la toute puissance de Dieu nous garantit la véracité :

« Voici notre seconde conclusion[1] :

» La divisibilité réelle de l’espace n’entre pas dans la raison formelle du changement successif.

» En voici la preuve :

» Que Dieu conserve le premier mobile dans la disposition même qui appartient en propre à ce mobile, et qu’il détruise toute autre créature, c’est possible. Supposons qu’il l’ait fait. Ce premier mobile se mouvrait d’un mouvement de rotation et, cependant, il ne tournerait autour d’aucun espace divisible ou indivisible. Le raisonnement est évidemment concluant ; quant à la supposition faite, la vérité en est rendue visible par cela que Dieu peut conserver toute chose qui en précède d’autres sans rien qui lui serait extrinsèque et postérieur ; or, le premier mobile, aussi bien que son mouvement, précède tous les mobiles et tous les mouvements ; on ne voit donc aucune contradiction qui empêche Dieu de conserver le premier mobile avec son mouvement ; par conséquent, la proposition que nous avons supposée vraie est possible en vertu de la puissance absolue de Dieu ; d’où notre proposition.

1. Pierre de Candie, loc. cit., ms. cit., fol. 173, col. d, et fol. 174, col. a.

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