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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

est, pour le mouvement, quelque chose d’accidentel ; de même, la divisibilité, tant de l’espace que du mobile, lui est extrinsèque ; le mouvement, donc, peut être fort bien conçu hors ces conditions ; partant, il est indifférent à l’indivisibilité du mobile. »

Par une suite de conclusions, en effet, Pierre de Candie s’est attaché à déterminer la nature essentielle ou, selon son langage, la raison formelle du mouvement, en débarrassant cette raison formelle de tous les caractères accessoires que la Physique péripatéticienne y avait introduits.

La première conclusion de Pierre de Candie frappe de suite la Dynamique péripatéticienne dans ce qui en est l’idée essentielle :

« Voici notre première conclusion[1] :

» La raison formelle du changement successif, considéré d’une façon générale, ne se tire pas de la résistance du milieu au mobile.

» Cette conclusion se prouve ainsi :

» Ce qui est accidentel au mouvement considéré en général n’est pas compris dans la raison formelle du mouvement ; mais la résistance du milieu est chose accidentelle pour le mouvement pris d’une façon générale ; notre proposition est donc établie.

» Le raisonnement est certainement concluant. La majeure est évidente ; en effet, ce qui peut être ou ne pas être sans qu’il en résulte, pour un certain objet, aucun changement de condition, est totalement en dehors de la raison formelle de cet objet ; or ce qui est accidentel à un objet est de ceLe sorte ; la majeure est donc vraie.

» Prouvons maintenant la mineure : Le mouvement se peut faire dans le vide aussi bien que dans le plein ; si donc, lorsqu’il se fait dans le plein, il rencontre résistance, c’est par accident, en raison de la matière au sein de laquelle le mouvement s’accomplit, et non pas en raison du mouvement même.

» Ce nouveau raisonnement conclut évidemment ; quant à l’antécédent, la vérité en est évidente ; Dieu peut, en effet, mouvoir le Monde d’un mouvement de translation continue, car l’affirmation contraire est un article condamné ; mais ce mouvement, Dieu ne le produira certainement pas dans le plein ; il le produira donc dans le vide ; d’où notre proposition. »

1. Pierre de Candie, loc. cil., fol. 173, col. c.

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