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LE VIDE ET LE MOUVEMENT DANS LE VIDE

ceux de Duns Scot, tous ceux qui ont entrevu la notion de masse et qui ont fait de la masse la cause qui rend successif le mouvement d’un grave dans le vide.

Grégoire de Rimini croit, comme Duns Scot, qu’un corps grave est mû par un principe intrinsèque, par une force qui réside en lui et qui est son poids. À l’encontre de cette manière de voir, se dressent un grand nombre d’objections ; voici la dixième[1] :

« Un certain docteur… oppose cet argument : Un poids plus grand et un poids plus petit se mouvraient alors, le long du même espace, dans le même temps ; ainsi en serait-il, par exemple, d’une grande meule et de la moitié de cette meule. Cela est faux ; le sens le reconnaît d’une manière évidente. Le raisonnement, cependant, trouve son éclaircissement en cette règle que le Philosophe énonce au septième livre des Physiques : Si telle force meut tel volume [de telle longueur] en tant de temps, la moitié de cette force mouvra la moitié de ce volume [de la même longueur] dans le même temps ; la raison en est que la totalité de la force a même rapport à la totalité de la chose mue que la moitié de la force à la moitié de la chose mue. Si donc la force totale de la meule meut la meule entière [de telle longueur] en tant de temps, la moitié de la force de la meule mouvra la moitié de la meule [de la même longueur] dans le même temps. On peut, de la même manière, prouver que des corps graves quelconques, égaux ou inégaux, se meuvent également. Il en est semblablement de corps légers quelconques. »

À cette objection, que répond Grégoire de Rimini ? Ce que Buridan répond à une objection toute semblable :

« Ce qui se meut naturellement, de quelque genre de mouvement qu’il se meuve, se meut en un instant, s’il n’éprouve aucune résistance ; si un grave n’était gêné ni par un milieu résistant ni par aucun autre empêchement, il tomberait en un instant. Il n’y a pas de résistance du mobile au moteur, car rien ne se résiste à soi-même…

» À la dixième objection, donc, je réponds que le raisonnement n’est pas conséquent. A la preuve qui en est donnée,

1. Gregorïus de Arimino In secundum sententiarum. Dist. VI, quæst. I, art. III.

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