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LE VIDE ET LE MOUVEMENT DANS LE VIDE

mouvra la moitié de ce mobile avec la même vitesse, et cette règle-là est vraie…

» Il y a enfin une autre règle d’Aristote : Si deux puissances séparées meuvent deux mobiles séparés [avec une même vitesse] ces deux puissances réunies mouveront avec une vitesse égale ces deux mobiles réunis. »

Or, de cette règle admise sans conteste, on tirait une conclusion qu’on transformait en objection et que Buridan va nous faire connaître[1] :

« La quatrième règle était celle-ci : Si une certaine force meut un certain mobile d’un certain espace en un certain temps, la moitié de cette force mouvra la moitié de ce mobile d’un espace égal en un temps égal. Mais le poids nous manifeste le contraire. Un grand poids descend plus vite que sa moitié. C’est ce qu’on exprime en disant qu’une force unie est plus puissante que la même force dispersée. »

À cette objection, voici la réponse de Buridan :

« Si, de la pierre qui tombe, on enlève la moitié, on n’enlève pas, pour cela, la moitié de la résistance, parce que ce qui résistait, ce n’est pas la pierre, c’est le milieu, dont vous n’enlevez pas la moitié ; le mouvement ne doit donc pas garder même vitesse. »

Cette réponse vaut pour la chute d’un grave dans un milieu plein ; mais si l’on admet que le grave se peut mouvoir avec une vitesse finie dans le vide, en l’absence de toute résistance extrinsèque et parce qu’il possède de lui-même une résistance intrinsèque ; si l’on admet qu’en coupant un grave en deux parties égales on divise la résistance intrinsèque, tout comme le poids, en deux parties égales, on arrive forcément à cette conclusion : chacune des deux moitiés d’un grave homogène tombera, dans le vide, avec la même vitesse que le grave tout entier.

Cette conclusion s’impose quelle que soit la nature delà résistance intrinsèque qui rend possible, dans le vide, la chute successive du corps grave ; les maîtres de la Scolastique parisienne n’ont pas, nous l’allons voir, manqué de le reconnaître.

Dans un grave simple, il n’y a, au gré d’Albert de Saxe, aucune résistance intrinsèque ; un tel grave tomberait instantanément dans le vide ; il n’en est pas de même d’un grave

1. Johannis buridani Questiones super octo phisicorum libros ; lib. VII, quæst. VIII, fol. cviii, col. b et d.

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