Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/110

Cette page n’a pas encore été corrigée
107
LE VIDE ET LE MOUVEMENT DANS LE VIDE

raisonnement du premier. Il paraît supposer, en effet, que la différence de vitesse entre les divers mouvements provient uniquement de la différence en la division du milieu ; cependant, entre les corps célestes, il y a des différences de vitesse, bien qu’aucun milieu plein et résistant n’ait à être divisé par les mouvements du corps céleste. »

Cette objection dressée par Saint Thomas d’Aquin contre l’argument d’Aristote a, sans doute, suggéré cette remarque de Gilles de Rome[1] :

« Il faut noter que toute la force de ce raisonnement consiste en ceci : Il est de la nature des mobiles que des mobiles différents soient inégalement vîtes, parce qu’ils divisent le milieu d’une manière différente. Comme cela ne saurait être gardé dans le vide, puisqu’il ne peut plus y avoir là aucune division, il est impossible que le vide soit. Si le vide existait, en effet, un morceau de plomb n’y descendrait pas plus vite qu’un fétu de paille, ce qui est tout à fait absurde ; Si enim esset vacuum, non citius descenderet per ipsum plumbum quam palea, quod est omnino absurdum. »

L’avertissement donné par saint Thomas d’Aquin n’a rendu ni plus prudent, ni plus réservé le Péripatétisme de Gilles de Rome.

Il sera compris, au contraire, par les Scotistes qui admettent la théorie d’Ibn Bâdjâ. Jean le Chanoine, par exemple, qu’inspire Gérard d’Odon, va, sans connaître ce qu’a écrit Jean Philopon, soutenir une conclusion toute semblable à celle qu’a proposée cet auteur :

« Comme le suppose le raisonnement [d’Aristote] dit-il[2], dans un milieu qu’on suppose indéterminé, des différences de vitesse ou de lenteur peuvent provenir des pesanteurs qui diffèrent en plus ou en moins ; je dis alors que la succession qui provient [dans le mouvement au sein du vide] de la seule diversité des lieux qu’il s’agit d’acquérir, peut devenir plus ou moins rapide par cela seul, que les mobiles sont plus ou moins pesants. »

Nous voyons clairement, par ce passage de Jean le Chanoine, que les.tenants du parti d’Ibn Bâdjâ, tout en déclarant qu’un grave tombait dans le vide avec une vitesse finie, ne regar¬

1. Egidii Romani In libros de physico auditu. Aristotelis commentaria ; lib. IV, lect. XIV ; éd. Venetiis, 1502 ; fol. 82, col. c.

2. Joannis Canonici Quæstiones super VIII libros physicorum Aristotelis ; lib. IV, quæst. IV ; éd. Venetiis, 1520, fol. 43, col. b.

  1. 1
  2. 2