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LE VIDE ET LE MOUVEMENT DANS LE VIDE

prenait souvent cette forme plus précise : Des poids, de même substance mais de volume différent, doivent tomber dans le vide avec la même vitesse. Sous cette forme, l’affirmation s’imposait d’une manière à peu près inévitable. Il ne paraît pas qu’aucun partisan du mouvement dans le vide l’ait osé admettre formellement et explicitement ; aucun, du moins ne l’a niée.

Prenons, d’abord, l’axiome des Atomistes sous sa forme générale : Tous les corps tombent dans le vide avec la même vitesse. Rapportons en quels termes les partisans de la Physique d’Aristote l’opposaient à ceux qui admettaient la possibilité du mouvement successif dans le vide.

Voici, en premier lieu, comment Jean de Jandun formulait cette objection[1] :

« Si l’on supposait que le vide existât et que le mouvement y pût être, deux corps, dont l’un est plus pesant et dont l’autre est moins pesant, toutes choses, c’est-à-dire la grandeur et la figure, étant égales d’ailleurs, se mouvraient dans le vide avec une égale vitesse, ce qui est manifestement impossible. La conséquence résulte évidemment de la supposition faite ; si, en effet, un mobile, qui a même grandeur et même figure qu’un autre, se meut plus vite que ce dernier, c’est uniquement parce qu’il divise plus vite et plus rapidement le milieu au travers duquel se fait le mouvement ; mais ici, le vide ne saurait être plus rapidement divisé par un corps que par l’autre ; si donc le mouvement se pouvait faire dans le vide, tous les mobiles s’y mouvraient également, ce qui est impossible. »

Walter Burley n’est pas moins formel.

« Le Philosophe, dit-il[2], se propose de prouver que l’existence du vide détruit une propriété des mouvements naturels, qui est l’inégalité entre les vitesses de ces mouvements naturels. J’énonce sous cette forme la conclusion à prouver : Si le vide existait, il n’y aurait, entre les mouvements naturels, aucune inégalité de vitesse. C’est la trente-sixième conclusion de ce livre. Cette conclusion se prouve ainsi :

» Nous voyons que, toutes choses égales d’ailleurs, les corps plus pesants tombent plus vite que les corps moins pesants ;

1. Joannis de Janduno Super Aristotelis libros de physico audita subtilissimæ quæstiones ; lib. IV, quæst. XI : An si vacuum esset possibile esset in eo fieri motum.

2. Burleus Super octo libros physicorum, lib, IV, tract. Il, cap. IV ; éd. Venetiis, 1491, fol. sign. o 2, col. b et c.

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