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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

donne à la discussion de ces idées en marque l’importance. Ses Questions sur la Physique étaient admirablement propres à les faire connaître. Or Galilée avait lu les traités de Jandun ; sept fois il les cite du cours des dissertations scolastiques qui témoignent des études auxquelles sa jeunesse s’est consacrée. Comment douter qu’il n’y ait pris quelque germe des doctrines qu’il devait développer plus tard ?

Au sujet du mouvement dans le vide, Walter Burley pense à peu près comme Jean de Jandun dont il a, très certainement, lu les Questions.

Il interprète de la manière suivante[1] l’affirmation d’Averroès qu’en un grave, la chose mue, qui est la matière, ne saurait résister au moteur, qui est la forme substantielle : « C’est en raison de sa matière que le grave est mû et en raison de sa forme qu’il meut. Toutefois ce qui meut par soi, c’est le composé de matière et de forme tout entier, et, de même, c’est le composé tout entier qui, par soi, est mû. La matière première ne saurait être, par soi, chose mue, car elle n’est pas un être en acte. Ainsi, dans le mouvement des corps simples graves ou légers le moteur et la chose mue sont une seule et même chose ; il n’y a donc pas de résistance du moteur au mobile, en sorte que si ces corps se mouvaient dans le vide, ils se mouvraient en un instant. »

Burley restreint son affirmation aux corps, graves ou légers, qui sont simples. Rien de plus conforme à la Dynamique péripatéticienne que cette restriction. Voyons, en effet, ce qu’elle signifie.

Supposons qu’à un corps pesant soit attaché un corps léger, qui tende à monter pendant que le grave tombe ; en ce mobile complexe, nous pourrons trouver quelque chose d’intrinsèque qui résiste au moteur, c’est-à-dire au poids qui tombe ; ce mobile complexe pourrait donc, même dans le vide, tomber avec une vitesse finie.

Il en sera encore de même si le corps grave et le corps léger, au lieu d’être simplement attachés l’un à l’autre, sont mêlés entre eux. Partant un grave mixte, contenant à la fois, par exemple, de la terre et du feu, pourra tomber dans le vide avec une vitesse finie, tandis qu’un grave simple, tel que de l’eau, y tomberait en un instant, fût-il moins lourd que le grave mixte.

  1. Burleus Super octo libros physicorum, lib. IV, tract. II, cap. IV ; éd. Venetiis, 1491 ; 3e fol. après le fol. sign. no 4, col. d.