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LE VIDE ET LE MOUVEMENT DANS LE VIDE

mise à part, un grave inanimé n’est pas un être en acte qui résiste à son moteur… Lorsque, par exemple, une pierre se trouve en haut, il n’y a pas en cette pierre, outre sa forme substantielle, un certain être en acte qui puisse être le sujet propre d’un lieu situé vers le haut et qui résiste au moteur lorsque celui-ci tend à mettre la pierre dans un lieu moins élevé. »

Jean de Jandun ferme absolument l’accès de sa raison à la notion de cette résistance d’un genre nouveau que Thomas d’Aquin a tenté de définir et qui deviendra la masse de notre Mécanique.

Il n’accorde pas davantage que le mouvement essentiel et vraiment naturel d’un grave soit le mouvement que ce corps prendrait dans le vide ; que la chute dans le plein soit un mouvement compliqué et troublé.

« Quelques-uns, dit-il[1], semblent imaginer que le milieu plein empêche constamment le mobile de prendre sa vitesse propre et naturelle ; en sorte que, si le milieu était vide, le mobile aurait sa vitesse naturelle. C’est ce que voulait Avempace et, sur ce point, Saint Thomas paraît s’accorder avec lui. Mais le Commentateur, à cette opinion, objecte ceci : Si le milieu plein empêchait les graves et les corps légers d’acquérir leurs vitesses naturelles, c’est-à-dire les vitesses qu’ils sont, par nature, aptes à prendre, alors les corps graves et légers seraient, par nature, aptes à prendre des vitesses qu’ils ne prendraient jamais… Il nous faut donc dire brièvement que le milieu plein n’empêche pas toujours un corps grave ou léger de prendre sa vitesse naturelle ; s’il en était ainsi, en effet, aucun mouvement de ces corps ne serait proprement naturel… ce qui est absurde. »

Peu d’auteurs eurent, au xvie siècle, plus d’autorité dans les Universités italiennes que Jean de Jandun. Constamment réimprimés à Venise, ses traités étaient extrêmement lus et très fréquemment cités. On conçoit donc sans peine qu’il ait contribué pour une grande part à la résistance qu’à la Dynamique Galiléenne opposera la Scolastique italienne.

Mais il est permis de croire qu’il a également contribué à la naissance de cette Dynamique. Pour combattre les théories d’Ibn Bâdjâ et de Saint Thomas d’Aquin, il les a très clairement, très complètement, très loyalement exposées. L’ampleur qu’il

  1. Joannis de Janduno Op. laud., lib. IV, quæst. XVI : An gravium et levium motus a medio impediatur.
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