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L’INFINIMENT PETIT ET L’INFINIMENT GRAND

existera une résistance, supérieure à celle que l’on a ainsi assignée, que la puissance considérée pourra surmonter. L’introduction de cette précision a pour objet de parer à certaines objections ; Albert songe que l’efficacité de quelques puissances pourrait admettre non seulement une limite supérieure mais encore une limite inférieure ; la vue est l’exemple que les scolastiques invoquaient pour montrer qu’il peut exister de telles puissances ; nous ne voyons, disaient-ils, ni ce qui est trop rapproché ni ce qui est trop éloigné.

Ces définitions soigneusement posées, Albert formule les conclusions suivantes[1], qui sont celles de Jean Buridan :

Il n’est pas vrai qu’il existe un maximum parmi les résistances qu’une puissance donnée peut surmonter (potentia activa non terminatur per maximum in quod sic) ; mais il existe un minimum parmi les résistances qu’elle ne peut pas surmonter (terminatur per minimum in quod non).

« Soit, en effet, A la puissance active ; on peut lui donner une résistance égale et la désigner par B. Or cette résistance est la résistance minimum parmi celles que la puissance A ne peut surmonter. La puissance A, en effet, ne peut surmonter la résistance B, car elle ne l’excède pas. Mais si nous nous donnons une résistance quelconque inférieure à B, nous pourrons trouver une résistance supérieure à celle-là et que la puissance A puisse surmonter ; soit, en effet, une résistance inférieure à B ; on peut trouver une autre résistance supérieure à celle-là et inférieure à A ; et comme le moindre excès suffit à déterminer le mouvement, une résistance inférieure à B étant donnée, on peut trouver une résistance supérieure à celle-là et que la puissance active A surmonte ; dès lors, d’après la définition du minimum in quod non donnée ci-dessus, B est la résistance minimum parmi celles que A ne peut surmonter.

» On peut donc dire que nous connaissons la grandeur d’une puissance active en sachant quelle est la résistance minimum qu’elle ne peut surmonter. En effet nous savons quelle est la force d’une puissance active lorsque nous savons la distinguer de toute puissance plus forte et de toute puissance plus faible ; or, c’est ce que nous savons lorsque nous connaissons la plus petite résistance qu’elle ne puisse surmonter ; car, pour connaître ce minimum, il faut connaître trois choses : savoir, tout d’abord, que la puissance donnée ne peut surmonter ni telle résistance ni aucune résis-

  1. Alberti de Saxonia op. laud., lib. I, quæst. XIV, quantum ad secundum articulum.