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L’INFINIMENT PETIT ET L’INFINIMENT GRAND

elle a tout pouvoir (maximum infra quod ipsa omne potest). Je pose cette distinction à cause d’une difficulté dont je m’enquerrai plus loin.

» D’autres admettent, en effet, qu’on ne saurait donner l’action maximum qu’une puissance peut produire, mais bien l’action minimum parmi celles quelle ne peut pas produire ; ce minimum n’est pas l’action maximum que la puissance peut produire, mais l’action au-dessous de laquelle elle a tout pouvoir. »

Ces « autres » qui soutiennent une telle opinion, ce sont précisément Buridan et ceux qui, comme Albert de Saxe, ont exactement compris sa pensée. Pourquoi cette opinion est juste, pourquoi celle qui a clé formulée auparavant est intenable, celui qui a rédigé les Questions sur le traité du Ciel ne l’indique aucunement dans sa vingtième question. Il se contente de montrer, d’une façon plus que sommaire, qu’une puissance active est connue, que « nous connaissons quelle est la force d’une puissance lorsque nous la savons distinguer de toute puissance plus forte et de toute puissance plus faible, et cela a lieu par l’action maximum qu’elle peut produire ou, du moins, par l’action maximum au-dessous de laquelle elle a tout pouvoir. »

Entre ces deux modes de définition, l’auteur, jusqu ici, est demeuré indifférent ; il va faire un choix à la suite de la discussion longue, épineuse et confuse qui remplit la question suivante[1] ; « Peut-on assigner l’action maximum qu’une puissance peut produire ? »

« Beaucoup, dit-il[2], croient démontrer le contraire à l’aide de cette supposition : Si un moteur doit mouvoir un mobile, il faut que la force du moteur surpasse la force [résistante] du mobile. On dit donc, tout d’abord, qu’il n’y a pas action si la première force est égale ou inférieure à la seconde. On suppose, en outre, que quelque petit que soit l’excès de la force motrice sur la force [résistante] du mobile, le moteur peut mouvoir le mobile, s’il n’advient pas d’ailleurs quelque résistance ou quelque empêchement.

» Que l’adversaire nous donne alors la sphère la plus grande que puisse mouvoir le moteur de la Lune. Il est certain que la force du moteur surpasse la force résistante de ce mobile ; or cette force-ci ne peut surpasser celle-là d’un indivisible ; elle la surpasse donc d’une quantité divisible ; partant, le moteur qui suffit au

  1. Johannis Buridani op. laud., lib. I, quæst. XXI, Quæritur utrum sit dare maximum in quod potentia potest. Ms, cit., fol. 79, col. c. à fol. 81, col. a.
  2. Ms. cit., fol. 79, col. d.