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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

poids qui fût inférieur à B d’un indivisible car un continu ne se compose pas d’indivisible ; dès lors, étant donné un poids quelconque, inférieur à B, on pourra toujours donner un poids intermédiaire, supérieur à celui-là et inférieur à B ; ainsi donc, étant donné un poids quelconque que la puissance A peut lever, il y a encore un plus grand poids que cette même puissance peut lever… »

« Des conclusions déjà posées, il en résulte d’autres qui sont communément énoncées avec juste raison[1].

» La première est la suivante : On peut assigner le poids minimum que la puissance A est incapable de lever. Il est certain, en effet, que le poids peut croître tellement que A ne puisse plus le lever ; il est donc nécessaire qu’un certain poids marque le terme de cette puissance ; or, on ne saurait comprendre que cette puissance s’arrête à tel poids, si ce n’est de l’une de ces deux façons : Ou bien la puissance peut lever ce poids et ne peut rien lever de plus lourd ; ce poids serait alors le poids maximum qu’elle peut lever, ce que l’on sait impossible. Ou bien la puissance ne peut lever ce poids, mais elle peut lever tout poids moindre ; et cela est notre conclusion ; ce poids est, en effet, le poids le plus petit qu’elle ne puisse lever, puisqu’elle peut lever tout poids moindre. »

Dans ses Quæstiones super libris de Cælo et Mando, Buridan reprenait[2], avec moins de précision qu’en sa Physique, l’examen de cette question : « Une puissance doit-elle être définie par le maximum de l’action qu’elle peut accomplir ? » Le désordre que nous observons ici nous marque peut-être que nous avons affaire à des Reportata plutôt qu’à la rédaction du maître.

« Cette question, dit l’auteur, est fort difficile. » Après avoir examiné quel est l’avis d’Aristote et du Commentateur, il formule cette déclaration :

« Il nous faut dire, avec Aristote, qu’une puissance active doit être déterminée par l’action maximum qu’elle peut produire (per maximum ad quod ipsa potest). Nous entendons par là que nous connaissons la grandeur d’une puissance active lorsque nous connaissons l’action maximum qu’elle peut produire ou, du moins, lorsque nous connaissons l’action maximum au-dessous de laquelle

  1. Buridan, loc. cit., fol. XVI, col. c.
  2. Johannis Buridani rectoris Parisius. Quæstiones super libris de Cælo et Mundo, lib. I, quæst. XX : Quæritur utrum potentia debeat diffiniri per maximum in quod potest (Bibliothèque Royale de Munich. col. lat. 19551, fol. 79, coll. a et b).