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L’INFINIMENT PETIT ET L’INFINIMENT GRAND

pose une formule différente : « Je crois qu’il serait plus exact de dire : Une quantité finie, si grande soit-elle, étant donnée, il y a quelque chose de plus grand, ou bien une collection finie, si nombreuse soit-elle, étant donnée, il existe quelque chose de plus nombreux (quantocunque finito majus, vel quotcunque finitis plura).

» Si l’on veut, au contraire, prendre l’infini au sens catégorique, on explique ce sens par la phrase suivante, lorsqu’il s’agit de quantités continues : Une quantité si grande qu’une quantité plus grande n’existe pas et ne saurait exister. Lorsqu’il s’agit d’objets distincts, on le définit : Une multitude si considérable qu’il n’en saurait exister de plus considérable. »

Ici encore, Grégoire de Rimini ne se montre pas disposé à accepter ces manières courantes de parler : « Cette manière d’exposer la notion d’infini catégorique ne semble pas convenable ; selon le Philosophe, le premier ciel ou, tout au moins, l’Univers est un corps si grand qu’il n’en existe pas et qu’il ne saurait exister de plus grand ; cependant, ce n’est pas un corps infini. De même, suivant un grand nombre de docteurs modernes, il peut exister, que dis-je ? il existe une multitude plus nombreuse qu’une multitude infinie.

» Aussi d’autres donnent-ils une meilleure définition de l’infini [catégorique] en disant, s’il s’agit de quantités continues, qu’il est plus grand qu’une grandeur d’un pied, qu’une grandeur de deux pieds, qu’une grandeur de trois pieds et que toutes les grandeurs finies que vous voudrez ; et s’il s’agit de collections d’objets distincts, en disant qu’il est plus nombreux que deux, que trois, que quatre et que toutes les multitudes finies.

» On peut dire encore que l’infini, pris en ce sens, se laisse, en ce qui concerne les grandeurs continues, définir par cette phrase : Il est plus grand que toute quantité finie, si grande soit-elle (majus quantocunque finito). Il peut se caractériser par cette phrase, s’il s’agit d’une multitude d’objets distincts : Elle est plus considérable que toute multitude finie, si nombreuse soit-elle (plura quotcunque finitis).

Grégoire de Rimini caractérise donc par une simple transposition de mots les deux acceptions du terme infini ; il dit : quantocunque finito majus, s’il s’agit d’un infini syncatégorique et : majus quantocunque finito, s’il s’agit d’un infini catégorique. Cette manière de parler, intraduisible en français, fut bientôt adoptée d’une manière très générale. La proposition ; In infinitum continuum est divisibile signifia : Le continu est divisible à l’infini