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L’INFINIMENT PETIT ET L’INFINIMENT GRAND

Mais au sens de division, elle est vraie, car chacune des propositions singulières auxquelles elle correspond est vraie ; or, au sens de division, elle est une proposition universelle, tandis qu’au sens de composition, elle est une proposition singulière…

» On objecte que toutes les propositions singulières qui correspondent à la proposition considérée sont possibles et compossibles. J’accorde que chacune des propositions singulières est possible, mais je dis cependant que toutes les propositions singulières prises simultanément répugnent entre elles. Bien qu’aucune proposition singulière ne répugne à une autre de ces propositions singulières, un grand nombre de ces propositions singulières prises ensemble sont incompatibles avec les autres propositions singulières prises ensemble ; et si l’on prend ensemble toutes les propositions singulières, sauf une, elles répugneront à cette dernière. On peut fort bien prendre un certain nombre de propositions dont aucune ne répugne à aucune autre et telles, cependant, qui si on les prend toutes, sauf une, elles répugnent à celle-ci…

Ainsi à cette proposition : Un continu est divisé d’une manière actuelle en n’importe quel point, correspondent des propositions singulières ; chacune des propositions singulières est possible et compossible à chacune des autres ; et cependant aucune des propositions singulières n’est compossible à toutes les autres propositions singulières prises ensemble. »

Suivant l’exemple de Duns Scot, Burley, pour résoudre la difficulté que soulève la divisibilité à l’infini de toute grandeur continue, fait appel à une distinction ; il distingue, en toute proposition universelle, le sens composé et le sens divisé ; cette distinction était alors classique ; à Paris comme à Oxford, on en usait couramment pour délier des sophismes, ce qui était un exercice scolaire fort en vogue.

Cette proposition : Une ligne est divisible en tous ses points, est donc vraie si on l’entend au sens divisée et fausse si on l’entend au sens composé ; cette distinction, qui ne fait plus intervenir les notions d’acte et de puissance, ne prête plus le flanc aux objections que soulevait l’affirmation d’Aristote : Cette proposition, vraie si on l’entend d’une division en puissance, devient fausse si on l’entend d’une division en acte.

Mais entre les deux façons dont on peut entendre la division à 1 infini, les logiciens vont marquer une distinction autre, à leur avis, que la distinction entre le sens divisé et le sens composé ; ils vont dire qu’en cette proposition : Une ligne est divisible à l’infini, le terme : infini peut être pris soit au sens catégorique (cathego-