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LA LATITUDE DES FORMES À OXFORD

sorte nue le mobile qui l’acquiert ou la perd uniformément (uniformiter acquirens vel deperdens) parcourra, dans un temps donné quelconque, une longueur absolument égale à celle qu’il franchirait s’il se mouvait, pendant un temps égal, avec le degré moyen de cette latitude.

» D’ailleurs, pour toute latitude [uniformément acquise] qui commence au repos et se termine à un certain degré, le degré moyen est la moitié du degré qui termine cette même latitude…

» Il résulte de la proposition précédente que si un mobile part du repos et si l’intensité de son mouvement croît uniformément (uniformiter intendat motum suum) jusqu’à un certain degré, il parcourra deux fois moins de chemin en un certain temps que s’il se mouvait uniformément, pendant le même temps, avec le degré qui termine la latitude ; en effet, ce mouvement tout entier correspondra au degré moyen de sa latitude, et ce degré moyen est précisément la moitié du degré qui détermine la latitude. »

On voit que, dans cet énoncé, Heytesbury ne parle pas de latitude, de vitesse uniformément difforme, mais bien de latitude uniformément acquise ou perdue, de mouvement dont l’intensité croît uniformément. En d’autres termes, à la notion de latitude ou de mouvement uniformément difforme, il substitue la notion de latitude, de mouvement uniformément accéléré ou retardé. C’est dire que son esprit se fixe surtout sur la notion d’accélération, qu’Oresme et Swineshead concevaient également. Heyteshury en a formé, lui aussi, une idée précise, comme nous l’allons voir.

Les écrits de William Heytesbury sont bien dignes de remarque en ce qu’à côté de la notion de vitesse d’un mouvement varié, nous y voyons apparaître, bien qu’encore confuse, la notion d’accélération d’un tel mouvement.

En son traité De tribus prædicamentis, Guillaume construit divers sophismes tombant l’accélération (intensio) du mouvement ; pour les résoudre, il distingue[1] entre la latitudo motus, qui est la vitesse, et la velocitas intensionis vel remissionis motus ; celle-ci s’évalue par l’acquisition ou la déperdition de celle-là ; cette velocitas intensionis vel remissionis motus n’est autre que l’accélération positive ou négative.

À ce sujet, il écrit le remarquable passage que voici[2] :

« Un corps peut se mouvoir plus rapidement et un autre plus lentement ; un corps peut accélérer (intendere) son mouvement

  1. Tractatus Guilielmi Hentisberi de sensu composito et diviso… Venetiis, 1494 ; fol. 42, col. d.
  2. William Heyteshury, loc. cit., éd. cit., fol. 44, col. b.