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LA LATITUDE DES FORMES À OXFORD

Selon la coutume scolastique, les opinions qui sont énumérées tout d’abord sont celles que l’auteur se propose de rejeter.

Rien n égale la faiblesse de l’argumentation[1] par laquelle Jean de Dumbleton prétend réfuter la seconde opinion ; pour en donner une idée, citons un des arguments qui lui paraissent convaincants[2].

« Aucun mouvement de qualité difforme ne peut procurer l’acquisition d’une somme égale à celle qui serait acquise à l’aide du mouvement uniforme auquel ce mouvement difforme aboutit en son extrémité la plus intense, supposé qu’au mouvement considéré, une partie uniforme termine la partie difforme. De tels mouvements ne sont donc pas et ne peuvent pas être équivalents en qualité, si la qualité est nécessairement affaiblie par la quantité ou par l’extension ; le premier des deux mouvements est nécessairement plus faible que le second, car la vitesse en un mouvement est évaluée par l’espace acquis. »

Le lecteur, impatienté, ne peut retenir cette exclamation : Mais qu’est-ce que cela prouve ? Le maître parisien auquel nous devons des extraits de la Summa a évidemment ressenti cette impatience. Après avoir reproduit ce que nous venons de citer, il a hâtivement écrit[3] : « Prouvons, cependant, qu’un mouvement uniformément difforme suffit à parcourir autant d’espace que le mouvement uniforme défini par son degré moyen. » Sa démonstration, fort confuse d’ailleurs, s’achève en ces termes : « Que ce mouvement soit équivalent à son degré moyen, cela est, car [lorsqu’on le remplace par le mouvement uniforme], il est autant augmenté vers son extrémité la plus faible qu’il est diminué vers son extrémité la plus forte. » Cette phrase est une brève mais claire allusion à la démonstration de Nicole Oresme, démonstration que l’annotateur connaissait, comme nous le verrons tout à l’heure.

Jean de Dumbleton vient maintenant à la démonstration de l’opinion qu’il tient pour vraie et qui, en son énumération, prenait le troisième rang[4]. À ce sujet, il pose quelques précisions qui, poussées plus avant, eussent dissipé bien des malentendus et amené la pensée du maître d’Oxford à concorder avec celle de Nicole Oresme.

  1. Johannis de Dumbleton Summa, pars II, cap. XXXIIm ; ms. no 16.146, fol. 23, col. a.
  2. Jean de Dumbleton, loc. cit., ms. cit., fol. 23, col. b. — Cf. ms. no 16.621, fol. 175, ro.
  3. Ms. no 16.621 fol. 175 vo.
  4. Johannis de Dumbleton Summa, pars II, cap. XXXIIIm ; ms. no 16.146, fol. 23, col. b ; ms. no 16.621, fol. 176, ro.