Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VII.djvu/638

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
631
LA LATITUDE DES FORMES À OXFORD

Le vague et l’étrangeté des discussions de ce genre s’expliquent si l’on veut bien porter son attention sur la forme des questions que se posaient Bradwardine, Swineshead, Albert de Saxe et leurs imitateurs. À propos de chaque espèce de vitesse, ils se demandaient : Penes quid talis velocitas debet attendi ? Or, ce terme : attendi penes, n’avait reçu d’eux aucune définition précise. Il pouvait s’interpréter dans ces divers sens : En fonction de quoi telle vitesse doit-elle être déterminée ? Au moyen de quoi doit-elle être caractérisée ? Par quoi doit-elle être dénommée ? Le sens de la question n’étant pas exactement fixé, les réponses pouvaient divaguer à l’aise et se contredire sans fin.

Cette question vague : Penes quid talis velocitas debet attendi ? Oresme ne se la pose jamais. Ce qu’il cherche, c’est à évaluer la mesure ou quantité d’une vitesse ; et, par là, il entend une chose très précise, l’espace parcouru, dans un temps donné, par un mobile animé de cette vitesse.

Au commencement de la septième différence, qui est consacrée à l’étude du mouvement local, Swineshead écrit ce qui suit[1] :

« Pour étudier les vitesses et les lenteurs dans les mouvements locaux, j’introduirai cinq latitudes que la raison seule y distingue :

» La première est la latitude du mouvement local ; la seconde est la vitesse de cette première latitude ; la troisième est la lenteur de cette même première latitude ; la quatrième est la latitude de l’acquisition de latitude du mouvement local (latitudo acquisitionis latitudinis motus localis) ; la cinquième est la latitude de déperdition de la même latitude (latitudo deperditionis ejusdem latitudinis). »

Que sont ces deux nouvelles latitudes adjointes par Swineshead à la vitesse et à la lenteur du mouvement local ? Les dénominations mêmes qui servent à les désigner nous font deviner qu’elles correspondent à ce que nous appelons accélération positive ou négative. La notion d’accélération, que nous avons rencontrée au Tractatus de difformitate qualitatum, s’était donc présentée de bonne heure à l’esprit des logiciens d’Oxford.


B. La Summa de Jean de Dumbleton.


Les cahiers de Philosophie d’où sont extraits les renseignements précédents nous ont donné la table des matières du De primo motore ; de la Summa de Dumbleton, ils ne reproduisent pas la

  1. Ms. cit, , fol. 74, vo.