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LA LATITUDE DES FORMES À OXFORD

ment arithmétique ; en aucun cas, elles n’ont été remplacées par des constructions géométriques.

Non seulement nous ne trouvons aucune allusion à la représentation par coordonnées dans les écrits de ceux qui ont pu être les aînées de Nicole Oresme ou ses contemporains, comme Swineshead, Dumbleton ou Heytesbury, mais nous ne trouvons pas trace de cette représentation dans le Tractatus de sex inconvenientibus dont l’auteur, venu après Heytesbury, est assurément postérieur à Oresme ; bien plus, nous ne la rencontrons ni dans le traité de Riccardus de Ghlymi Eshedi ni dans un opuscule anonyme, intitulé : A est unum calidum, dont nous parlerons plus loin ; or, nous acquerrons la certitude que les auteurs de ces deux derniers écrits avaient lu le De difformitate qualitatum d’Oresme.

L’usage de ces représentations géométriques eût, cependant, grandement aidé à suivre les calculationes des maîtres anglais ; aussi, bien souvent, les copistes français ont-ils dessiné, en marge des manuscrits, des figures propres à éclairer le texte ; ainsi en est-il pour le manuscrit, conservé à la Bibliothèque Nationale, du traité de Riccardus de Ghlymi Eshedi ; mais il suffit de lire le texte avec attention pour reconnaître que ces figures n’ont été ni voulues ni prévues par l’auteur, et que celui-ci n’a jamais fait appel qu’aux procédés de l’Arithmétique.

Cette Scolastique d’Oxford, qui trouvait en tout sujet occasion d’inventer d’étranges sophismes pour le plaisir de les résoudre, de développer des calculationes aussi nombreuses qu’inutiles, dut singulièrement offusquer, tout d’abord, les maîtres parisiens ; ils ne retrouvaient pas là ces discussions, menées, à la vérité, suivant la méthode du sic et non, mais sobres, claires, ordonnées, exemptes d’inutiles chicanes et de subtiles roueries, auxquelles les avaient habitués les Jean Buridan, les Nicole Oresme, les Albert de Saxe, les Marsile d’Inghen ; entre la Scolastique de Paris et la Scolastique d’Oxford, il leur était malaisé de ne pas donner la préférence à la première.

De ce sentiment, il nous est arrivé de rencontrer le témoignage. L’étudiant parisien dont les cahiers nous ont si souvent servi en cette élude sur la Scolastique d’Oxford, copie[1] ce que la Summa de Dumbleton dit de cette question : Peut-on et doit-on comparer, au point de vue de la perfection, une chose d’une espèce avec autre chose d’une autre espèce ? En bas de la page, il écrit :

  1. Bibl. Nat., fonds latin, ms. no 16.621, fol. 181, ro.