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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

durée d’un jour naturel, ils croîtront également pendant ce jour… »

Ne croyons pas que Maître Kyluxuton fût, à Oxford, le seul théologien qui se livrât à cette casuistique mathématique ; d’autres sont venus après lui, qui ne l’ont rendue que plus savante et plus compliquée. Robert Holkot, avant d’enseigner à Paris, avait enseigné à Oxford ; Oxford le revendiquait comme une de ses gloires ; or il applique sans cesse la langue et les méthodes des Mathématiques aux problèmes de Théologie et de Morale ; nous en avons cité un curieux exemple[1]. D’autres encore imitaient Holkot.

Feuilletons ces cahiers désordonnés où un étudiant parisien nous a conservé, sur l’École d’Oxford, tant de renseignements précieux. Nous y trouvons un court fragment[2] dont l’origine ne nous est pas indiquée, mais que quelque maître anglais avait, sans doute, apporté à Paris. Ce fragment expose d’abord une suite de règles, tirées de la Dynamique péripatéticienne, touchant la relation entre la puissance, la résistance et la vitesse du mobile ; ces règles sont formulées en des termes presque identiques à ceux qu’elles revêtent au traité du Calculateur ; aussitôt après, la latitude uniformément difforme est définie ; on rappelle qu’en ce qui concerne l’espace parcouru, le mouvement uniformément difforme correspond à son degré moyen ; on ajoute que « ces dires sont généraux, car ils peuvent s’appliquer d’une manière générale aux accroissements et aux décroissements qui se produisent en tout mouvement ». Or, ces préambules de Mécanique ont pour objet de discuter cette conclusion : Tout péché est volontaire ; donc plus il est volontaire, plus il est péché. Au cours de cette discussion, nous entendons poser des questions telles que celle-ci : L’intensité du péché peut-elle s’acquérir d’une manière uniformément difforme ? Nous avons sous les veux un remarquable exemple de ce que donnait la calculatio appliquée à la casuistique.

Un artifice eût pu rendre ces calculatliones moins embrouillées, moins pénibles à suivre ; il eût consisté à employer la représentation géométrique par coordonnées dont Nicole Oresme a si heureusement marqué les avant âges. De cette représentation, nous ne voyons pas que l’on ait jamais fait usage à l’École d’Oxford ; les calculationes ont toujours gardé une forme pure-

  1. Voir Ch. V, § IV, pp. 530-531.
  2. Bibl. Nat., fonds latin, ms. no 16.621, fol. 52, ro et vo, et fol. 65, ro et vo.