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LA LATITUDE DES FORMES À OXFORD

subtile chicane que développe aisément la continuelle analyse des sophismes. À côté de lui, un Nicole Oresme consacre la puissance de son génie à la Théologie, à la Morale, à la Science économique, à la Physique, aux Mathématiques ; il ne paraît pas qu’il ait composé aucun traité de pure Logique.

À Oxford, au contraire, on croirait volontiers qu’aucun maître de quelque renom n’a omis d’écrire sur les Sophismata, sur les Insolubilia, sur les Consequentiæ, sur les Obligationes. Avant Guillaume Heytesbury, nous avons rencontré Swineshead, Dumbleton, Glymeton Langley ; presque aussitôt après Heytesbury, nous trouverions Radulph Strodus et Richard Ferabrich. Non seulement tous ceux qui étudient consacrent une bonne part de leur activité aux exercices les plus subtils de la Logique, mais le personnage le plus en vue de l’Université, celui qu’elle choisit pour chancelier, celui que l’on nomme : « Solenmis Magister, potissimus et famosissimus Hethysbery », n’a rien écrit qui ne soit consacré à la solution de sophismes ; ses Regulæ même, en effet, sous des titres qui semblent de Physique, ne sont que des règles propres à délier les sophismes que l’on peut tresser à propos de certaines questions de Physique.

Et, en effet, le désir de découvrir partout des occasions de se montrer habile dialecticien en dénouant des sophismes compliqués ne tarde pas à envahir toutes les études. La méthode scolastique n’était que trop favorable à cette disposition d’esprit. Née du Sic et non d’Abélard, elle n’aborde jamais la démonstration d’une proposition qu’elle n’ait soigneusement exposé toutes les opinions qui vont à l’encontre de cette proposition aussi bien que toutes les opinions qui penchent vers elle ; il lui faut alors réfuter une à une toutes les objections des adversaires, et dresser à son tour des objections contre chacune des opinions qui devront être rejetées ; la démonstration directe d’une vérité se trouve ainsi comme encadrée d’une foule de petites querelles accessoires. Assurément, une telle méthode, lorsqu’elle est convenablement pratiquée, se montre frappée au coin d’une très nette loyauté ; elle ne laisse rien ignorer de ce qui peut être opposé au parti que l’on tient ; elle ne permet pas de l’embrasser avant qu’on ne l’ait lavé de toute accusation. Mais cette méthode présente des dangers ; en cette multitude de combats singuliers que comporte toute démonstration, le champion de la vérité est grandement tenté de prouver qu’il est bretteur habile ; lorsque les adversaires viennent à lui manquer, il lui arrivera d’en susciter pour le plaisir de les battre ; contre