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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

D’ailleurs, la comparaison de cet ouvrage au traité De primo motore qui, lui, est incontestablement de Swineshead, montre, au premier coup d œil, que ces deux ouvrages ne sauraient être du meme auteur. Le traité de Riccardus de Ghlymi Eshedi porte sur des questions qui, toutes, sont également examinées dans le traité de Swineshead ; un même auteur n écrit pas deux livres qui portent si visiblement sur les mêmes objets et qui diffèrent si complètement dans tout le détail de la rédaction. L’œuvre composée par Riccardus de Ghlymi Eshedi appartient à la famille dont le De primo motore de Swineshead, dont la Summa de Dumbleton sont les types ; mais elle semble bien avoir été écrite après les ouvrages de Swineshead et de Dumbleton ; on y peut, en particulier, noter de manifestes emprunts au traité De difformitate qualitatum de Nicole Oresme ; la lecture du De primo motore et de la Summa ne nous révèle aucun emprunt de ce genre.

D’ailleurs, un juge particulièrement compétent en la matière, Pierre Pomponat, qui, au début du xvie siècle, écrivit, comme nous le verrons, plusieurs traités sur les doctrines de Guillaume Heytesbury et du Calculateur, a fort bien discerne que celui-ci avait dû venir après celui-là : « La seconde raison, et la plus puissante de toutes, dit-il quelque part[1], était celle qui a été apportée par le Calculateur, bien qu’avant lui (comme je le crois), Hentisberus ait donné cette même raison ; il [le Calculateur] semblait suivre, en effet, un parti qui avait déjà été tenu, tout en étant mû en même temps par des motifs contraires, comme on le pouvait déduire assez manifestement. »

Nous avons tenté de découvrir quelques renseignements au sujet de ce Riccardus de Ghlymi Eshedi dont l’ouvrage, sous le faux nom de Suiseth le Calculateur, était appelé à une si grande vogue ; tous nos efforts ont été vains. À peine osons-nous signaler un rapprochement qui nous semble fort douteux ; la bibliothèque de Charles VII contenait un traité d’Astrologie[2] intitulé : Summa Eshilde Anglici de judiciis ; faut-il identifier Eshilde et Eshedi ?

  1. Petri Pomponatii Mantuani Tractatus de reactione, sect. I, cap. XIV (Petri Pomponatii Mantuani. Tractatus acutissimi, et mere peripatetici. De intensione et remissione formarum ac de parvitate et magnitudine. De reactione. De modo agendi primarum qualitalum. De immortalitate anime. Apologie libri tres. Contradictoris tractatus doctissimus. Defensorium autoris. Approbationes rationum defensorti, per Fratrem Chrysostomum Theologum ordinis predicatorii divinum. De nutritione et augmentatione. Colophon : Venetiis impressum arte et sumptibus hæredum quondam domini Octaviani Scoti, civis ac patritii Modeotiensis : et sociorum. Anno ab incarnatione dominica MDXXV calendis Martii. Fol. 26, col. d).
  2. Inventaire de la bibliothèque du Roi Charles VI ait au Louvre en 1423 par ordre du Régent, Duc de Bedford, Paris, 1867 ; p. 187, no 721.