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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

milieu de puissance 2, ne fend pas à sa corruption ; dans un milieu de puissance 1, une chair de grandeur 1 ne tendra pas non plus à sa corruption. »

Quelle transformation en la doctrine de Saint Thomas d’Aquin de Gilles de Rome ! C’était une doctrine de pure métaphysique péripatéticienne ; chaque forme, disait-elle, requiert, par sa nature même, un minimum de matière. Ce que nous avons maintenant sous les yeux, c’est un problème de mécanique chimique ; on cherche le volume minimum au-dessous duquel une certaine substance, placée en présence d’un milieu déterminé, se dissoudra en ce milieu ; ce problème révèle, en l’esprit de celui qui le pose, des préoccupations semblables, par bien des côtés, à celles qui hantent les physiciens modernes ; et déjà, encore que d une façon timide et gauche, le raisonnement essaye de s’exprimer en langage mathématique.

Les successeurs immédiats d’Albert de Saxe ne semblent avoir rien ajouté d’essentiel à ce qu’il avait dit du minimum naturel.

En son Abrégé de Physique, Marsile d’Inghen se borne à dire[1] que « la forme d’une matière homogène peut être produite en une matière infiniment petite ; par exemple, la forme du feu peut être produite en une portion de matière si petite soit-elle, car une partie quelconque d’un feu est encore du feu. »

En ses Questions sur la Physique, le futur recteur de Heidelberg expose[2], en la développant, mais sans rien ajouter qui mérite d’être rapporté, la doctrine que nous venons d’entendre de la bouche d’Albert de Saxe.


V
La divisibilité à l’infini. L’infini catégorique
et l’infini syncatégorique


C’est du point de vue physique qu’en l’article précédent, la divisibilité d’une masse, réalisée en la matière, était considérée ; au présent article, elle va être étudiée d’un tout autre point de vue que la Logique assignera.

La plupart des maîtres vie la Scolastique s’accordent avec Aristote pour affirmer qu’une grandeur ne peut jamais se trouver,

  1. Marcilii Inguen Abbreviationes Hbri Physicorum ; sixième feuillet, col. c et d.
  2. Marcilii Inguen Quæstiones super libros Physicorum ; lib. I, quæst XIII.