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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

lumière et de l’opacité, fourniraient des espèces de couleurs aussi diverses et donneraient cet arc admirable par sa situation et par l’ordre qui s’y manifeste ? On en peut dire autant des autres merveilleuses apparences présentées par les miroirs. »

Dès lors, cette conclusion s’impose[1] : « L’homme ne saurait reconnaître quel est l’effet le plus étranger au cours commun des choses, le plus extraordinaire que les opérations et combinaisons des forces naturelles soient capables de produire. C’est évident en vertu des propositions précédentes.

» De là cette autre conséquence : Quels sont les faits merveilleux que les combinaisons des forces naturelles ne peuvent produire et de quelle façon leur est-il impossible de les produire, cela ne saurait être évident par la lumière naturelle. Les mêmes raisons le démontrent. »

L’homme ne peut donc, à l’aide de la seule lumière naturelle, décider si un fait étonnant résulte ou non des forces de la nature ; à cette nature, il ne saurait imposer une borne en lui disant : Tu n’iras pas jusque-là.

Je me trompe. À l’action des vertus dépourvues de raison, il peut, en toute assurance, assigner deux limites.

Il peut dire, en premier lieu[2] :

« On ne saurait, par des combinaisons de forces dépourvues de raison, sauver les actions qui s’exercent librement. Cela est manifeste ; de quelque manière, en effet, que l’on combine certaines vertus, on ne saurait, en ces vertus, modifier d’une manière intrinsèque la façon dont elles exercent leur action, car ce serait changer les espèces naturelles ; chacune de ces vertus garde l’impulsion de son influence naturelle et continue de l’appliquer au patient de la même façon ; leur concours ne saurait donc agir librement.

» À l’appui de ce qui précède, on peut dire qu’à toute puissance libre est nécessairement jointe une faculté réelle de percevoir ; de vertus dénuées de perception ne saurait donc provenir une libre influence. »

Une première barrière est ainsi opposée au pouvoir des forces naturelles. En voici une seconde[3] :

  1. Henri de Hesse, loc. cit., 13a propositio ; ms. no 2.831, fol. 115, ro ; ms. no 14.580, fol. 212, col. d.
  2. Henri de Hesse, loc. cit., 14{{e|a} propositio.
  3. Henri de Hesse, loc. cit., 15a propositio ; ms, no 2.831, fol. 115, vo ; ms. no 14.580, fol. 212, col. d.