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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

sonnable de faire cette supposition que d’imaginer tout de suite, en vue de la production de cette qualité, une qualité insensible et occulte. »

Dans le fer placé en présence de l’aimant, notre auteur, comme tous les physiciens de l’École, admet l’existence d’une certaine qualité, d’une certaine aimantation, qui était en puissance dans le fer ; mais pour mettre en acte cette aimantation, il ne veut pas qu’on recoure à une certaine vertu magnétique insensible et occulte que l’aimant posséderait et qu’il laisserait rayonner autour de lui ; il se contente d’invoquer la chaleur et le froid, la sécheresse et l’humidité qui sont, dans l’aimant, combinés suivant certains rapports, et qui suffisent à extraire l’aimantation de cet ensemble d’existences en puissance qu’est la matière du fer. Une fois mise en acte, cette aimantation meut le fer vers l’aimant ; en cette dernière proposition, Henri de Hesse s’accorde avec toute la Scolastique.

« Lorsqu’on se propose ainsi[1], sans recourir à des qualités occultes, de sauver un grand nombre d’effets spéciaux ou de dispositions des choses, il faut, en premier lieu, considérer le nombre des qualités actives, spécifiquement différentes les unes des autres, qui résident dans l’agent, et en faire autant pour le patient.

» Il faut ensuite considérer la façon dont sont combinées entre elles ces qualités actives et la comparer au mode de combinaison des vertus passives, afin d’en apprécier la similitude ou la dissemblance.

» Enfin, il faut examiner comment ces qualités actives rayonnent sur le patient, voir si ce rayonnement se fait par réflexion, réfraction ou pénétration, si ces circonstances proviennent de la résistance du patient ou de celle des corps qui l’environnent.

» Par là, en effet, on voit grandement varier le mode et l’espèce des effets produits en des patients disposés de diverses manières et soumis de différentes façons à l’action qu’ils éprouvent. Nous l’observons en une foule de circonstances. La lumière, par exemple, est une qualité simple ; cependant, les diverses réflexions et réfractions qu’elle éprouve de la part de nuages situés et disposés d’une manière ou d’une autre font apparaître, au sein de ces nuées, de merveilleux effets, tels que les brillantes couleurs de l’arc-en-ciel, l’admirable figure de ce météore, celle des parhélies,

  1. Henrici de Hassia Op. laud., cap. XXI : Ponit alias considerationem circa virtutes vel qualitates communes ad salvandum effectus speciales ; ms. no 2.831, fol. 112, vo ; ms. no 14.580, fol. 210, col. d., et fol. 211, col. a.