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LA LATITUDE DES FORMES. ORESME ET SES DISCIPLES

dant, qui y est dominante, car il y a un élément dont le mixte participe d’une façon dominante… De même, chaque qualité seconde, à sa manière, participe virtuellement à la nature des qualités premières dont la combinaison l’a tirée des puissances de la matière ; mais parmi ces qualités, il en est une à la nature de laquelle elle participe d’une manière dominante… »

« De tous les sens, le toucher est le premier et le plus naturel[1] ; aussi les qualités élémentaires tombent-elles sous sa prise, de même que certaines qualités secondes imparfaites ; telles sont la mollesse et la dureté, la viscosité et la qualité qui lui est opposée, la gravité et la légèreté, la densité et la rareté. Ces qualités secondes qui tombent sous le toucher se comportent de même façon que certaines espèces de mixtes imparfaits a l’égard d’autres espèces de qualités secondes telles que l’odeur, la saveur, la lumière, la couleur, qui résultent d’une sorte de digestion, d’une combinaison et d’une action plus parfaite des qualités premières.

» D’autre part, les qualités secondes diffèrent des qualités premières, parce qu’elles en sont les effets, ou, plus exactement, parce qu’elles sont les effets des formes substantielles qui, au moyen des qualités premières, produisent des qualités secondes, plus parfaites que les qualités premières.

» Elles en diffèrent aussi en ce que la production des qualités premières n’exige pas, en la matière, cette disposition préalable que réclame la production des qualités secondes. »

Cette théorie doit s’étendre, sans aucune exception, à toutes les qualités que nous observons dans les choses d’ici-bas, même aux qualités dont on attribuait la production à quelque vertu occulte, distincte des quatre qualités premières, actives et passives.

Par exemple, « le mouvement du fer vers l’aimant[2] se peut sauver sans recourir à quelque qualité occulte et insensible qui siégerait dans l’aimant et qui serait distincte des qualités sensibles ; il suffit de dire, en effet, qu’à l’égard de l’harmonie des qualités communes, sensibles et actives de l’aimant, le fer présente une telle disposition qualitative qu’une certaine qualité est extraite de la puissance de la matière de ce fer ; et cette qualité est de telle espèce qu’elle meut le fer de mouvement local. Il est aussi rai-

  1. Henrici de Hassia Op. laud., cap. XV : De modo excitationis et reductionis talium in actualem operationem ; ms. no 2.831, fol. 109, vo ; ms. no 14.580, fol. 209, col. a.
  2. Henrici de Hassia Op. laud., cap. XVII : Ostendit quomodo ex predictis salvari possunt effectus et actiones rerum speciales ; ms. no 2.831, fol. 110, ro ; ms. no 14.580, fol. 209, col. c.