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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

« La philosophie naturelle et l’expérience, écrit-il[1], nous manifestent qu’à l’exception des quatre éléments et de quelques mixtes, voisins en perfection des éléments, tous les corps naturels s’attribuent à eux-mêmes des figures déterminées ; ainsi en est-il des animaux, des plantes et de certaines pierres. De même, les diverses parties de ces mixtes s’attribuent à elles-mêmes des qualités bien déterminées qui leur sont naturelles. Outre la figure qu’elle tient du sujet où elle réside, chacune de ces qualités est figurée d’autre façon ; elle possède la figuration qu’elle tient de son intensité, selon le mode de représentation que nous avons précédemment indiqué.

» Nécessairement, donc, les susdits corps naturels ou les formes de ces corps se doivent attribuer une figuration déterminée pour leurs qualités radicales ou complexionnelles, pour les qualités qui leur sont naturelles. La forme du lion réclame une figure corporelle différente de celle que réclame la forme de l’aigle, comme le montre assez le premier livre du Traité de l’âme ; de même, l’intensité de la chaleur naturelle du Lion doit être représentable par une autre figure que la chaleur naturelle de l’aigle. Il en est de même des autres corps.

» Or, les qualités représentées par des configurations différentes doivent posséder des vertus diverses et des actions variées, comme le montre le chapitre XXII. Par exemple, la chaleur naturelle du lion doit avoir une autre activité, une autre vertu que la chaleur naturelle de l’âne ou du lièvre ; non seulement parce qu’elle est plus intense ou moins intense ou affectée de quelque autre différence de même sorte, mais aussi parce que son intensité est représentée par une figure autre et dissemblable. Il en est de même des autres qualités de ces animaux et de tous les corps naturels. »

Par les propriétés des figures qui représentent la distribution des diverses qualités naturelles au sein d’un certain être, on pourra rendre compte des actions que cet être exerce sur les autres, de ce qu’on appelait ses vertus occultes :

« Si on les compare au point de vue de ce mode de figuration de leurs qualité[2], il convient que les corps naturels exercent les uns sur les autres certaines opérations et soient, d’une certaine façon, passifs les uns à l’égard des autres.

  1. Nicholai Oresme Op. laud., pars I, cap. XXIV : De varietate virtutum universalium secundum hujus modi figurationem ; ms. cit., fol. 43, coll. a et b.
  2. Nicholai Oresme Op. laud., pars. I, cap. XXV : Qualiter per predicta cause quorundam effectuum possunt reddi ; ms. cit., fol. 43, coll. b et c.