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LA LATITUDE DES FORMES. ORESME ET SES DISCIPLES

aiguës que les parcelles de l’autre, la qualité qui correspond aux pyramides les plus aiguës serait-elle, toutes choses égales d’ailleurs, plus active que l’autre…

» C’est peut-être pour cette raison qu’on dît souvent d’une qualité, d’une saveur, d’une odeur, du froid, de la chaleur, qu’elle est piquante ; ainsi en est-il de la chaleur qui se trouve dans le poivre. »

La pensée qu’Oresme développe en ce passage n’est point dénuée de justesse. Helmholtz n’a-t-il pas rendu compte de la sensation désagréable produite par les dissonances en observant que des battements, trop rapides pour être comptés, y imposent à l’intensité du son de perpétuelles alternatives ? Si l’on prenait te temps pour longitude et l’intensité du son pour latitude, la figure obtenue ne serait-elle pas une suite de ce qu’Oresme nomme de petites pyramides ?

« De même qu’une différence entre les actions, poursuit notre auteur[1], provient de la diversité de configuration de la qualité, de même peut-on assigner par là la raison de certaines différences entre les passions.

» On peut dire, par exemple : Les corps qui sont rares et poreux lorsqu’on les considère au point de vue de leur configuration quantitative sont, toutes choses égales d’ailleurs, plus aisément passibles que les corps disposés d’autre façon. De même, ces corps-là seront, plus que les autres, disposés à pâtir, seront plus pénétrables à une altération, dont les qualités, d’après la configuration précédemment indiquée seront, pour ainsi dire, poreuses, parce que deux qualités contraires s’interposent suivant d’imperceptibles parcelles du sujet ; ou bien encore, seront plus aisément altérables les corps dont les qualités, selon la susdite représentation, seront représentées par une suite de petites pyramides. »

Oresme émet alors la supposition que les différences de conductibilité entre les corps sont peut-être dues à de semblables différences dans la distribution de leur chaleur naturelle.

Il admet, en effet, qu’à tout mixte correspond un certain mode naturel suivant lequel doit être distribuée chacune des qualités qui appartiennent en propre à ce mixte.

  1. Nicholai Oresme Op. laud., pars. I, cap. XXIII : De differentia passionum que possunt ex prédictis erui ; Bibl. Nat., fonds latin, ma. no 14.580, fol. 42, col. d, et fol. 43, col. a.