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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

en effet, a une certaine résistance qui doit être vaincue avant que cette partie ne soit corrompue en totalité.

» Confirmons encore ce raisonnement : Supposons qu’une masse de feu, si petite soit-elle, se trouve au fond de la mer ; de cette masse de feu, il ne pourra s’engendrer autre chose, de l’air ou de l’eau, par exemple, tant que sa matière n’aura pas été disposée, par une altération préalable, à prendre la forme de l’air et de l’eau ; or cette masse de feu ne peut être corrompue qu’il ne s’engendre autre chose à ses dépens.

» En outre, toutes choses égales d’ailleurs, un agent naturel agit plus fortement sur des parties voisines que sur des parties éloignées ; les parties extérieures de ce feu sont donc plus fortement et, partant, plus vite altérées par l’eau qui les contient immédiatement et qui les corrompt que ne l’est la partie qui se trouve au milieu ; [les premières sont donc déjà transformées que] cette dernière demeure encore du feu, qui existe séparé de tout autre feu ; et cependant cette partie de feu est plus petite que la masse de feu que vous avez prise comme minimum, puisque la partie est plus petite que le tout. »

Cette théorie est plus complètement opposée à la doctrine de Saint Thomas d’Aquin et de Gilles de Rome que ne l’était la théorie de Richard de Middleton et d Ockam ; si petite que soit une parcelle d’une substance, elle pourra toujours cire conservée isolément de toute substance de même espèce, et cela sans qu’il soit besoin de recourir au pouvoir surnaturel de Dieu ; seulement, le temps pendant lequel elle pourra être conservée sera d autant plus court que cette parcelle sera elle-même plus petite.

Albert de Saxe reprend, à son tour, la question du minimum naturel. Les réponses qu’il formule[1] repoussent de la manière la plus nette la théorie de Thomas d’Aquin et de Gilles de Rome ; elles tiennent compte de la précision introduite par Buridan ; mais, à leur tour, elles introduisent une précision nouvelle en tenant compte de la nature du milieu au sein duquel se trouve placée la parcelle que l’on étudie.

« Occupons-nous, dit-il, des substances homogènes telles que l’os, la chair, etc.

« Première conclusion. — À la matière, telle que de sa puissance on puisse tirer la forme de la chair, on ne peut assigner de

  1. Alberti de Saxonia Quæstiones in libros de physica auscultatione ; lib. I, quæst. X, quantum ad 3m.