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LA LATITUDE DES FORMES. ORESME ET SES DISCIPLES

lités contraires, actives et passives, exercent les unes sur les autres ; il en est d’autres qui résultent de cette action. Exemple du premier cas : L’influence du Ciel ou bien les qualités qui découlent en nous des choses d’en haut. Exemple du second cas : Les vertus et les qualités insensibles des pierres précieuses et des herbes. »

Du principe ici posé, Albert, un peu plus loin, tire cette conséquence :

« Dans les éléments, on ne rencontre aucune qualité virtuelle insensible, semblable à la qualité virtuelle d’une pierre précieuse ; ces qualités virtuelles, en effet, résultent de mélanges entre les qualités premières (tales qualitates virtuales consequuntur commixtiones qualitatum primarum) ; or, semblable mélange ne se trouve pas dans un élément. Il en résulte que les éléments ne servent que fort peu à la médecine, si ce n’est par leurs qualités premières, le chaud, le froid, etc. »

Dans ses Questions sur le traité De generatione et corruptione, Marsile d’Inghen s’inspire souvent de l’enseignement d’Albert de Saxe ; cette inspiration se reconnaît dans un passage tel que celui-ci[1] :

« Voici une première distinction : Il y a des qualités sensibles, comme la chaleur ou la couleur. D’autres sont insensibles ; telles sont les qualités spirituelles qui constituent les espèces des qualités sensibles ; telles sont aussi les qualités virtuelles, comme la vertu, attractive à l’égard du fer, qui réside dans l’aimant ; telles sont encore les influences célestes et les qualités semblables ; en effet, toutes ces qualités ne sont pas senties ou, du moins, si elles sont senties, c’est par accident et par le moyen de leur effet.

» Une seconde distinction est celle-ci : Parmi les qualités insensibles, il en est qu’on nomme spirituelles ; ce sont celles qui ne résultent pas de l’action exercée, au sein du sujet, par des qualités sensibles et contraires (et sunt illæ quæ non sequuntur actionem qualitatum sensibilium, contrariarum in subjecto) ; telles soûl les espèces des qualités sensibles et les influences célestes. Il en esl d’autres qu’on appelle virtuelles, et non pas spirituelles ; ainsi en est-il de la vertu attractive du fer, qui réside dans l’aimant, des vertus insensibles des herbes et des autres vertus semblables. » Il va donc sans dire que ces dernières qualités résultent de l’action exercée, au sein du sujet, par les qualités sensibles et contraires.

  1. Questiones clarissimi philosophi Marsilii Inguen super libris de generatione et corruptione Lib. II, quæst. I : Utrum quatuor sint qualitates prime… Éd. cit., fol. 98, col. b.