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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

à ces qualités occultes aux dépens desquelles Atomistes et Cartésiens du xviie siècle devaient faire tant de gorges chaudes.

Minéraux, végétaux » animaux présentent une multitude de phénomènes dont les hommes du Moyen-Âge s’étonnaient souvent, se servaient parfois, mais qu’ils demeuraient toujours incapables d’expliquer. Aux effets réels, d’ailleurs, médecins, alchimistes, astrologues joignaient, à l’envi, une foule d’effets imaginaires que la crédulité générale acceptait sans les vérifier. Qualités insensibles, vertus occ ultes, tels étaient les noms par lesquels on désignait les causes inconnues de ces effets surprenants.

Comment on raisonnait de ces causes occultes, Guillaume d’Auvergne nous peut donner un exemple[1] :

« Ce qu’on peut dire de plus probable des vertus et des effets des astres, du Soleil et de la Lune se tire des opérations exercées par les vertus des autres choses, par les vertus des animaux ou de leurs diverses parties, puis des herbes, des médecines, des pierres ; ces vertus sont comme les aspects ou les manières d’être (habitudines) que les choses ont les unes à l’égard des autres.

» Voici le premier exemple que je vous en donnerai :

» Le basilic est un reptile dont l’aspect ou manière d’être, à l’égard de la nature humaine, consiste en une sorte de haine ou de très violente fureur ; c’est par cette fureur qu’il tue l’homme qui tombe sous sa vue ; dès là qu’il le voit, l’aspect de l’homme l’émeut de cette fureur si grande et de cette impression si puissante qu’il exerce sur l’homme.

» De cela, vous ne vous étonnerez plus lorsque les natures occultes d’autres animaux vous auront présenté des effets semblables et, peut-être, plus grands encore. »

À l’égard de la bile, la rhubarbe a une manière d’être qui est une sorte de haine naturelle ; la bile est, par elle, chassée du corps humain comme si elle fuyait la face de la rhubarbe.

« À l’égard de la pierre d’aimant, le fer a deux aspects, plus un troisième qui est intermédiaire aux deux autres et, pour ainsi dire, composé des deux autres.

» Le premier aspect est semblable à celui de l’amant pour l’objet aimé ; c’est pour cette raison que le fer est attiré par la pierre d’aimant et qu’il suit cette pierre partout où on la transporte, mais cela à une distance limitée.

  1. Guillelmi Parisiensis De Universo primæ partis principalis, pars I ; Guillelmi Parisiensis Opera, éd. 1516, tact. III, cop. XXXI ; t. II, fol. cxxii, col. d, et fol. cxxiii, col. a.