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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

C’est ainsi que cette règle se trouve rappelée[1] en une question sur le De generatione et corruptione, « S’il n’en était pas ainsi », lisons-nous en une argumentation, « une latitude uniformément difforme ne correspondrait pas à son degré moyen. »

L’Abrégé du livre des Physiques a certainement été composé par Marsile d’Inghen à Paris, partant avant l’année 1386, où l’auteur était recteur de Heidelberg. Or, nous y trouvons plusieurs allusions à la règle de Nicole Oresme.

En cet abrégé, par exemple, nous lisons, sur les vitesses des divers mouvements, des considérations qui sont, pour la plupart, empruntées au Tractatus proportionum d’Albert de Saxe. Elles en diffèrent cependant en un point ; contre Bradwardine et Albertutius, Marsile reprend l’opinion soutenue au traité De proportionalitate motuum et magnitudinum ; il admet qu’en un corps dont les diverses parties se meuvent inégalement, la vitesse doit être mesurée par la longueur que décrit un point moyen ; or, à l’appui de cette opinion, l’auteur invoque[2] la raison que voici :

« Une latitude difforme ne doit pas être dénommée par le point le plus intense, mais bien plutôt par le point moyen. »

Ailleurs, Marsile se demande comment il faut entendre la proportionnalité, admise par la Dynamique péripatéticienne, entre la puissance qui meut un corps et la vitesse de ce corps, dans le cas où la puissance varie d’un instant à l’autre ; il répond en ces termes[3] :

« En ce cas, il n’y a pas de puissance[4] uniforme qui demeure toujours la même, mais il y a une puissance difforme constamment la même, dénommée par son degré moyen ; de même, il n’y a pas une vitesse qui demeure uniforme, mais une vitesse difforme, dénommée par son degré moyen, ou par un autre degré si elle n’est pas uniformément difforme. »

En ses Questions sur la Physique, Marsile d’Inghen revient à l’opinion de Bradwardine et d’Albert de Saxe ; il veut que la vitesse d’un corps soit la vitesse du point qui se meut le plus rapidement. La règle d’Oresme ne peut plus lui servir d’argument en faveur d’une telle opinion ; mais, à l’encontre de cet avis, elle devient

  1. Marsile d’Inghen, Op. laud., lib. I, quæst. XX ; éd. cit., fol. 90, col. c.
  2. Incipiunt subtiles doctrinaque plene abbreviationes libri phisicorum edite a prestantissimo philosopho Marsilio Inguen doctore parisiensi (s. l. n. d.) (Pavia, Antonius de Carcano, ca. 1490) 3e fol. (non paginé) après le fol. signé g 4, col. d.
  3. Marsile d’Inghen, Op. laud., fol. signé i 3, col. b.
  4. Les texte, au lieu de puissance (potentiæ), dit proportion (proportio).