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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

Jean Buridan était peut-être un peu plus âgé qu’Oresme ; il paraît, cependant, avoir tenu grand compte, dans son enseignement, des opinions professées par le grand maître du Collège de Navarre. Nous avons dit, déjà, comment Buridan, dans ses Questions sur les météores, apportait une observation de parhélie qu’il tenait de la bouche même du « révérend Maître Nicole Oresme ». Lorsque nous traiterons du mouvement de rotation de la terre, nous dirons que le philosophe de Béthune, dans ses Questions sur le traité du Ciel, a minutieusement discuté ce que le philosophe de Bayeux avait déclaré en faveur de ce mouvement[1]. Nous ne serons donc pas étonnés de trouver, dans les Questions sur la Physique, de Buridan, un passage qui semble clairement faire allusion à la règle par laquelle se mesure la quantité totale d’une qualité uniformément difforme, et à la démonstration qu’Oresme donnait de cette règle.

Voici ce passage[2] :

« Je suppose qu’une colonne soit aussi longue d’un côté que de l’autre, de telle sorte qu’elle soit, des deux côtés, longue de dix pieds ; je suppose qu’une autre colonne soit de longueur difforme, c’est-à-dire qu’elle ait dix pieds d’un côté et neuf pieds de l’autre ; la première colonne sera d’un demi-pied plus longue que l’autre, car la longueur d’un corps ne réside pas exclusivement en son côté droit ou en son côté gauche ou en son milieu, mais elle réside, à la fois, en son côté droit, en son milieu et en son côté gauche ; on ne doit donc pas dire que tel corps est long ou a telle longueur en considérant purement et simplement son côté droit ou son côté gauche, mais en considérant conjointement son côté droit, son côté gauche et son milieu ; et s’il n’y a pas uniformité de longueur, il faut comparer le côté le plus long au côté le moins long, enlever quelque chose au côté le plus long et rajouter au côté le moins long, afin de trouver la moyenne (et si non sit uniformitas longitudinis, oportet inferre longius ad minus lon-

  1. J. Bulliot, Jean Buridan et le mouvement de la terre (Revue de Philosophie, XIVe année, t. XXV, 1914, p. 5).
  2. Acutissimi philosophi reverendi Magistri Johannis Buridani subtilissime questiones super octo phisicorum libros Aristotelis diligenter recognite et revise A magistro Johanne dullaert de gandavo antea nusquam impresse. Venum exponuntur in edibus dionisii roce parisius in vico divi Jacobi sub divi martini intersignio. — Colophon : Hic finem accipiunt questiones reverendi magistri Johannis buridani super octo phisicorum libros impresse parhisiis opera ac industria Magistri Petri ledru Impensis vero honesti bibliopole Dionisii roce sub divo martino in via ad divum Jacobum Anno millesimo quingentesimo nono octavo calendas novembres. Lib. I, quæst. XII : Utrum omnia entia naturalia sint determinata ad maximum, fol. XV, col. c.