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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

supposition en son deuxieme chapitre, qu’il l’admet aussi en la règle de laquelle dépend la solution que ce chapitre expose. Il entend que l’espace parcouru dans un mouvement uniformément varié soit égal à celui qui serait parcouru dans un mouvement uniforme de même durée, ayant pour vitesse la vitesse qu’atteint le premier à son instant moyen.

Or, cette loi est celle dont on a coutume de faire l’un des titres de gloire de Galilée.

Comment Oresme a-t-il été amené à concevoir cette féconde pensée ? On peut, je crois, le deviner.

Il lui arrive d’insister sur cette idée que la vitesse a deux sortes d’extensions, l’extension selon le sujet et l’extension selon la durée ; que chacune de ces deux extensions peut être traitée de la même manière que l’autre ; qu’il y a, par exemple, des vitesses uniformes, uniformément difformes selon le sujet, comme il y a des vitesses uniformes, uniformément difformes dans le temps.

Or, veut-il donner un exemple de vitesse uniformément difforme par rapport au sujet, et commençant au degré nul, il cite[1] la vitesse d’un rayon qui tourne autour du centre du cercle.

C’est de cette vitesse que traitait le petit écrit : De proportione motu et magnitudinum dont le texte était déjà connu au xiiie siècle. L’auteur anonvme de ce traité montrait qu’un rayon ou une portion de rayon qui tourne autour du centre du cercle balaye un espace égal à celui que cette même ligne balayerait en une translation qui aurait pour vitesse la vitesse de son point moyen ; la démonstration qu’il donnait, fort analogue à celle que nous venons de trouver sous la plume d’Oresme, le conduisait à regarder la vitesse du rayon, variable d’un point à l’autre, comme équivalente à la vitesse du point moyen ; en résumé, il formulait, pour la vitesse uniformément difforme par rapport au sujet, la règle qu’Oresme devait formuler pour la vitesse uniformément difforme par rapport au temps.

Très certainement connu de Bradwardine, très probablement connu d’Albert de Saxe, le traité De proportione motuum et magnitudinum ne fut, sans doute, pas ignoré d’Oresme ; lors même que ce livre ne lui fût pas venu entre les mains, les idées qu’il contenait, résumées dans les Tractatus proportionum de Bradwardine et d’Albert de Saxe, étaient assurément courantes à Paris au temps où le traité De difformitate qualitatum fut rédigé. Directe-

  1. Oresme, Op. laud., pars II, cap. II : De quadam differenlia inter nwtmn localem et alterationem ; ms. no 7.371, fol. 239, ro ; ms. no 14.580, fol. 48, col. b.